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Jacques Ardoino


Voir le site personnel de cet auteur :

http://jacques.ardoino.perso.sfr.fr/

On y trouve des informations bio et bibliographiques, ainsi que des textes en ligne, par exemple celui-ci sur la notion d'altération :

ALTÉRATION

Dans notre langue, la plupart des vocabulaires spécifiques des sciences humaines et sociales fait relativement peu appel à la notion d'altération. A la différence de l'altérité, qui, à travers les écrits de Max Scheler notamment, signifie la qualité, la propriété d'être autre, dérivant donc de la même étymologie (alter), mais désignant pour sa part plutôt un état qu'un mouvement, elle prend en effet, en français, une nuance franchement péjorative, au fil de ses différents emplois. Si, en géologie, puis en physique, le sens est encore celui d'un métamorphisme, d'un changement dans la nature, la substance ou la composition d'un corps, en fonctions de certaines causes, actions ou influences, externes ou internes, de même qu'en musique c'est la modification subie par certaines notes d'une gamme ou d'un accord, l'usage dominant dans notre culture latine reste très largement celui d'un changement de bien en mal, d'un passage à un état différent, réputé anormal, inférieur. Selon cette acception, l'altération devient pratiquement synonyme de dégradation, de dénaturation, de détérioration ou de décomposition, évoquant toujours plus ou moins la diminution ou la perte de l'identité, quand ce n'est la mort proprement dite. Une évaluation morale est facilement attachée à ces changements de formes, à travers les idées de falsification, de maquillage, de contre-façon, de frelatement, d'adultération, de mutilation, de perversion ou de corruption. Ainsi, l'altération des pièces d'une comptabilité, d'un texte, ou, plus généralement, de la vérité. Comme il s'agit, ici, de l'action, de l'influence propre de l'autre, et non seulement, comme pour l'altérité, de sa reconnaissance en tant qu'autre, un tel mésusage linguistique a tout de même de quoi surprendre et mérite une analyse plus approfondie. En effet les langues anglo-saxonnes privilégient un sens beaucoup plus neutre de changement qui peut être aussi bien positif que négatif. Pour le typographe ou le couturier britanniques révisant un texte ou procédant à un essayage, "alteration" signifie : correction, retouche, c'est à dire changement de mal en bien. C'est pourquoi nous pensons qu'une telle notion conserve une utilité dans nos disciplines à condition de revenir à son étymologie pour la réhabiliter. C'est alors le processus, à partir duquel un sujet change (devient autre) sans, pour autant, perte de son identité, en fonction d'influences (qui peuvent évidemment être perçues comme, tout à la fois, négatives et positives) exercées par un autre(ou par d'autres). Si l'on convient d'écarter une position limite, le solipsisme, les intentionnalités propres à la communication ou à la formation supposent déjà une telle définition de l'altération, sous peine de demeurer vaines. Mais, plus profondément encore, c'est finalement la question de l'identité qui se trouve, ainsi, revisitée. Quelle conception ? Quelle représentation se donne t-on de l'émergence du sujet, de son développement à travers sa relation au Monde, à partir de son éducation, et, par conséquent, de son identité ? Celle-ci tient-elle à l'identique(au sens logico-mathématique du terme) ou tend-elle plutôt à la prise en compte de l'histoireet des avatars du sujet ? L'altération est, selon notre lecture, effectivement, un processus éminemment temporel. Il se réfère au vécu, à la durée comme à l'histoire, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler (dont l'irréversibilité). Castoriadis renvoie justement à la notion d'altération comme changement, création de ce qui n'était pas encore, essentiellement liée au temps, dans la production du faire social historique, genèse sociale (ou l'institution imaginaire de la société), mais, aussi, invention-production du sujet qui se fait, lui même, essentiellement et existentiellement, à travers ce qu'il fait, parce que "pro-jet, comme le voulait Sartre. Au demeurant l'expérience la plus élémentaire des phénomènes biologiques aide déjà à comprendre combien la naissance de la vie, son maintien, son développement et sa disparition, ne sont finalement que jeux d'altérations multiples.Il y a, ainsi, pour tout sujet, à se situer en fonction d'une bipolarité, quand ce n'est d'une dialectisation, identité-altération, avec tous les déchirements, tous les écartelements et le jeu divers des angoisses et des résistances que cela suppose. Les phénomènes d'identification, de transfert ou de forclusion en constituent autant d'avatars possibles. Le rapport à la "loi", fondement de l'institution du langage et de l'ordre constitutif de soi y est nécessairement lié. L'idée de castration symbolique, reprise par l'anthropologie psychanalytique, à propos des rites initiatiques, représente bien cette acceptation nécessaire de l'altération pour l'entrée dans la vie (cf Lapassade), c'est-à-dire dans la société. Dans la cure psychanalytique, conçue comme thérapeutique, réparation de certains manques fondamentaux, souvent aggravés par l'éducation première (Freud), ou comme démarche de construction du sujet pour l'accession à une forme de lucidité, sinon de vérité (Lacan), la notion plus technique de perlaboration, explicitement temporelle elle aussi, est également, une forme d'altération.


Voir aussi la revue Le sociographe, Hors série 3 -2008
Avec Jacques Ardoino : temps éducation et formation


http://www.lesociographe.org








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