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  • Jean François Billeter



Professeur émérite à l’Université de Genève, spécialiste de la civilisation et de la pensée chinoise, notamment de Tchouang-tseu.

Dans son dernier livre « Un paradigme » (Allia, 2012), il parle de l'apprentissage, celui des gestes, mais aussi celui du langage, de la signification des mots. Il met au centre de sa conception la notion d'activité et le processus (ou le travail) d'intégration. Il évoque la pensée et la liberté, l'imagination, le pouvoir d'agir (la puissance agissante) et l'idée de sujet, qu'il relie à la capacité de commencer.

Au début de son livre, il raconte comment lui viennent les idées, lorsque, dans un lieu propice (un café), il atteint un état de disponibilité, un vide, qui permettra à l’idée de surgir, de prendre forme. Il écrit qu’alors il concentre son attention « afin de la cueillir à l’instant précis où elle prendra forme, avant qu’elle ne se dissolve à nouveau ou ne se mêle à d’autres. » (p.8).

Critiquant l’opposition entre le corps et l’esprit, il écrit : « Pour échapper à cette séparation artificielle, je préfère considérer que je confie au corps le soin de former des idées. Le corps est dans ces moments là un vide. Il est un vide actif parce que c’est de lui que surgissent les idées. Quand elles sont mûres, il les livre à la conscience, qui se borne à les recevoir. » (p.12).

Et il précise : « Je donne au mot « corps » une acception nouvelle. J’appelle « corps » toute l’activité non consciente qui porte mon activité consciente et d’où surgit le mot manquant ou l’idée nouvelle. Lorsque j’agirai, j’appellerai « corps » l’ensemble des énergies qui nourriront et soutiendront mon action. » (p.12). Il ajoute « qu’il y a deux parts dans l’activité dont nous sommes faits : une grande qui reste plongée dans la nuit ou dans l’ombre et une autre, plus réduite, qui se perçoit elle-même par une sorte de luminosité propre. Ce que nous appelons « conscience » est cette part de notre activité qui se perçoit elle-même. » (p.13).

Puis il évoque (p. 15) la façon dont nous acquérons la maîtrise des gestes. Car nos gestes sont appris par un effort volontaire et progressif de coordination des mouvements. Cet apprentissage est une source de plaisir et confère un pouvoir. Quand il est acquis, « le geste se fait comme de lui-même. La part consciente de notre activité, qui se concentrait sur l’élaboration du geste, est à présent libre. Elle se contente d’en contrôler l’exécution. Puis, à mesure que la maîtrise du geste progresse encore, elle jouit d’une liberté nouvelle. Elle a maintenant le loisir de se distancier du geste et d’en tirer une jouissance esthétique. (...)

La mise au point et la maîtrise grandissante du geste s’accompagnent d’un progrès dans la connaissance. (p.16).
Ce savoir fonde notre connaissance de la réalité - et nous donne accès à la connaissance de nous-mêmes. Car quand la maîtrise du geste me permet de me détacher de lui intérieurement, tout en l’exécutant, je puis l’observer du dedans (…) et mieux connaître par là ma propre activité. » (p.17).

« Le geste fournit un paradigme, celui de l'intégration. Il naît d’un processus que j’appellerai le travail d’intégration et se développe ensuite par une intégration de plus en plus complète de l’activité. » (p. 18).

Billeter prend l’exemple du violoniste. « Dans l’activité que le violoniste déploie, quand il est maître de son art, il n’y a plus d’opposition entre nature et culture. (…) Il n’y a plus qu’une activité supérieurement intégrée. » (p.19).

Il aborde ensuite l’apprentissage du langage et l’usage de la parole. « L’activité que déploie l’homme qui parle est étonnante surtout lorsqu’il dit des choses qui se forment en lui-même sur le moment, dans les profondeurs de son corps. » (p. 21-22).

Et il précise alors sa définition du corps : le corps « comme activité – comme de l’activité qui, par moments, devient en partie sensible à elle-même, c’est à dire consciente. (p. 22). Selon lui, cette notion (…) « nous permet de nous représenter l’ensemble de notre expérience de façon cohérente. Elle nous libère du dualisme qui oppose le corps et l’âme, la matière et l’esprit, la conscience et l’objet. Elle le fait à la condition, toutefois, que le changement de point de vue soit complet et que nous nous représentions l’activité comme le fond commun de tous les phénomènes, en nous et hors de nous. Autrement dit : que nous fassions d’elle la catégorie la plus générale. (p. 22-23).

« L’intégration crée la puissance, par quoi il faut entendre : la puissance agissante. (…) Chaque geste, même le plus simple (…) est une puissance agissante. (…) Tous les gestes et toutes les formes d’activité que nous avons conquises par un travail d’intégration sont des puissances agissantes et constituent, prises ensemble, la puissance de chacun de nous. » (p. 43).

Billeter propose la notion de régime d’activité qui permet de « nous rendre attentifs à la variété de nos formes d’activité et aux passages de l’une à l’autre. (…) Elle nous invite à passer intentionnellement d’un régime à l’autre pour voir comment se modifie notre rapport à nous-mêmes et au monde. » (p. 56).

« Quand je m’efforce d’accorder mes mouvements pour produire un geste, je suis dans un régime, celui du travail d’intégration ; quand le geste se forme et se produit de lui-même, je suis dans un autre, celui de la puissance d’agir. Cette formulation fait mieux comprendre la loi de l’intégration et le rôle qu’elle joue dans nos apprentissages qui sont, pour l’essentiel, des successions de passages d’un régime inférieur à un régime supérieur. » (p. 57).

Évoquant l’affaiblissement du paradigme théologique, l’auteur écrit : « L’esprit ne descend pas sur nous, mais se forme en nous, de bas en haut. La dimension d’inconnu est au fond du corps et de son activité, elle n’est plus quelque part au-dessus. » (p.77).

Ce que Billeter trouve réjouissant, chez certains auteurs comme Stendhal, c’est que leurs mondes sont « animés d’une pluralité sans hiérarchie, ou de hiérarchies momentanées, d’inégalités appelées à se renverser ou à disparaître du fait qu’y prévalent toujours l’action réciproque, le dialogue. » (p.90).

Et à propos de l’apprentissage, encore : « Apprendre et penser sont d’ailleurs une seule et même chose, de sorte qu’il est faux de considérer l’apprentissage comme inférieur à la maîtrise. Il y a certes une différence entre une activité encore maladroite et une activité supérieurement intégrée. Mais l’acte par lequel quelqu’un pense ou apprend a toujours la même valeur, à quelque niveau qu’il se situe et quel que soit l’âge. » (p. 100-101).

« La liberté retrouvée n’est pas autre chose que la fine pointe d’un processus d’intégration qui reprend et qui va engendrer une puissance d’agir. Cette puissance sera d’autant plus grande qu’elle naîtra d’un processus d’intégration plus ample et partant de plus bas. La liberté se forme de bas en haut, comme la pensée. Elle n’est pas autre chose que la pensée. La pensée n’est pas autre chose que la liberté. » (p. 108-109).

« L’idée de sujet (…) rend compte de notre capacité de commencer. Nous commençons en produisant des synthèses nouvelles, ou en les laissant se former en nous. Elles abolissent les anciennes ou les dépassent en les intégrant dans des ensembles supérieurs. » (p. 117).











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