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Compte Rendus









Luc Boltanski



Boltanski L. (2009). De la critique. Précis de sociologie de l’émancipation.
Paris : Gallimard

Dans son premier chapitre l’auteur définit les sociologies critiques à partir du concept de domination sociale et il s’appuie sur cette notion problématique pour « clarifier la relation entre sociologie et critique » (p. 15). Il rappelle que les sociologies de la domination « se forgent un objet de synthèse, au sens où il ne peut pas donner lieu à une observation directe » (…) et que sa mise au jour est le résultat d’une analyse. En effet : « ce que la sociologie peut observer, ce sont seulement des relations de pouvoir » (p. 16). « La domination doit être dévoilée. Elle ne parle pas d’elle-même et se dissimule dans des dispositifs ». (p. 17).

Il rappelle que les sciences sociales « ont pour spécificité de se donner pour objet des êtres humains (…) capables de réflexivité » (p. 18).
« Les théories critiques ont pour spécificité de contenir des jugements critiques sur l’ordre social que l’analyste assume en son nom propre, abandonnant ainsi la prétention à la neutralité » (p.19). Mais Boltanski maintient la distinction entre les critiques morcelées développées par les acteurs à partir de leurs expériences et la critique systématique d’un ordre social déterminé. Ce qu’il formule en disant que les théories critiques de la domination sont d’ordre métacritique. Ce terme est utilisé « pour désigner les constructions théoriques visant à dévoiler, dans leurs dimensions les plus générales, l’oppression, l’exploitation ou la domination, quelles que soient les modalités sous lesquelles elles se réalisent (p. 22).

Le terme d’exploitation a une orientation économique, alors que celui de domination a une orientation « plutôt sémantique. Il vise le champ de la détermination de ce qui est, celui dans lequel s’établit la relation entre ce que l’on peut appeler – en empruntant les termes à Wittgenstein – les formes symboliques et les états de choses. (Ou) dans un autre langage inspiré du droit, que la critique de la domination concerne l’établissement des qualifications, c’est à dire (…) les opérations qui, indissociablement, fixent les propriétés des êtres et déterminent la valeur » (p. 26). « Ce travail de qualification prend généralement appui sur des formats ou des types, associés à des descriptions et/ou des définitions, stockées dans des formes diverses (telles que des règlements, des codes, des coutumes, des rituels, des récits (…). Ces formats incorporent des classifications (…) et les associent à des règles qui exercent une contrainte sur l’accès aux biens et sur leur usage. Ils jouent par là un grand rôle dans la formation et dans la stabilisation des asymétries. ». (p.26-27).

Les théories métacritiques de la domination
abordent ces asymétries sous un rapport particulier qui est celui de la méconnaissance par les acteurs eux-mêmes de l’exploitation dont ils font l’objet et surtout des conditions sociales qui rendent possible cette exploitation et, par conséquent aussi, des moyens par lesquels ils pourraient la faire cesser. C’est la raison pour laquelle elles se présentent, indissociablement comme des théories du pouvoir, des théories de l’exploitation et des théories de la connaissance. Elles rencontrent à ce titre de façon particulièrement épineuse la question de la relation entre la connaissance de la réalité sociale qui est celle des acteurs ordinaires, réflexivement engagés dans la pratique, et la connaissance de la réalité sociale envisagée depuis une réflexivité prenant appui sur des formes et des instruments de totalisation, question qui est elle-même au cœur des tensions contre lesquelles doit être conquise la possibilité d’une science sociale.» (p.27).

Dans le second chapitre, l’auteur revient sur les rapports chez Bourdieu entre la sociologie et la critique sociale avant de distinguer la sociologie critique de ce qu’il nomme la sociologie pragmatique de la critique. La première insiste sur les illusions dont sont victimes les acteurs, dont les capacités critiques sont sous-estimées ou ignorées, et qui sont considérés comme ayant intériorisé les normes dominantes (éducation comme inculcation de l’idéologie dominante et incorporation des habitus de classe). Avec pour conséquence de creuser l’asymétrie entre les acteurs abusés et le sociologue, seul capable de leur dévoiler la vérité de leur condition sociale. (p.43).

Insistance mise sur les relations circulaires entre, d’un côté, les structures sous-jacentes et, de l’autre, les dispositions incorporées. (p.44).

La sociologie pragmatique de la critique « se donne pour premier objet d’observer, de décrire et d’interpréter des situations dans lesquelles les personnes se livrent à la critique, c’est à dire des disputes. » (p.45).

Pragmatisme : recentrer l’attention du sociologue sur les acteurs en situation, sur le langage et le travail d’interprétation en situation accompli par les acteurs (notion d’indexicalité, de formation du sens en situation ; rendre compte de la capacité des acteurs à produire des critiques et/ou des justifications acceptables en situation. (p.48).

« Redécrire le monde social comme la scène d’un procès, au cours duquel les acteurs, en situation d’incertitude, procèdent à des enquêtes, consignent leurs interprétations de ce qui se passe dans des rapports, établissent des qualifications et se soumettent à des épreuves ». (p.48).

Dans « De la justification » : modélisation des « compétences dont il faut supposer l’existence pour comprendre la façon dont les acteurs parviennent –malgré les disputes qui les opposent ou même, pour être plus exact, par le truchement de ces disputes – à coordonner leurs actions ou à faire converger leurs interprétations ». Expliciter et clarifier (…) les méthodes mises en œuvre dans le monde social pour faire et défaire des liens. (…) « Le travail s’est orienté vers une clarification des positions normatives sur lesquelles les acteurs peuvent s’adosser soit pour critiquer, soit pour se justifier face à la critique ». (p. 49).

« Envisagé de ce point de vue, le monde social n’apparaît pas comme le lieu d’une domination subie passivement et inconsciemment, mais plutôt comme un espace traversé par une multitude de disputes, de critiques, de désaccords et de tentatives pour réinstaurer localement des accords toujours fragiles. » (p.51).

Six « principes de grandeur » pour évaluer « la valeur relative des être engagés dans la dispute » ; sur la base de chacun de ces principes est déployée « une forme de bien commun spécifiée sous le terme de cité » (p. 52) : cité inspirée (le saint ou l’artiste), cité domestique (l’aîné, le père, l’ancêtre), cité du renom (l’estime, le crédit), cité civique (l’élu), cité marchande ( la réussite économique) et cité industrielle (l’efficacité).

Depuis une sociologie pragmatique de la critique, la position métacritique consistera à tirer partie du point de vue des acteurs, c’est à dire à prendre appui sur leur sens moral et, particulièrement sur leur sens ordinaire de la justice, pour rendre manifeste le décalage entre le monde social tel qu’il est et ce qu’il devrait être pour satisfaire aux attentes morales des personnes. » (p. 56).
Mais « les personnes ordinaires mettent rarement en cause (…) le cadre général dans lequel s’inscrivent les situations qui suscitent de leur part indignations et protestations, c’est à dire l’ensemble des formats d’épreuves et des qualifications instituées. » (p. 58-59).

« Chacun ne reconnaît la réalité (ou ne reconnaît ce qui, dans son expérience, relève bien de la réalité) que parce que d’autres la lui désignent comme telle ». (p.65).

Importance du rôle que joue, pour les acteurs, la référence à des collectifs. « La possibilité de faire passer les dominés d’un état fragmentaire à un état collectif constitue l’un des objectifs premiers du travail d’émancipation. » (p. 74).

Chapitre III. Le pouvoir des institutions.
Illusion du « sens commun » (l’ensemble des évidences communément partagées servant d’assises aux accords), et insistance sur l’incertitude qui menace les agencements sociaux et, par là, sur la fragilité de la réalité. (p.88).
La réalité tend à se confondre avec ce qui paraît se tenir, en quelque sorte par sa seule force, c’est à dire avec l’ordre. Mais la réalité (…) se détache sur un fond au sein duquel elle ne peut être résorbée. Ce fond, nous l’appelons le monde, considéré comme étant – pour reprendre la formule de Wittgenstein – « tout ce qui arrive ».

Décrire le monde, dans ce qui serait sa totalité, n’est à la portée de personne. (p.93). Le monde est l’objet de changements incessants. Il est l’immanence même, ce en quoi chacun se trouve pris en tant qu’il est plongé dans le flux de la vie…(p. 94).

La réalité est le plus souvent orientée vers la permanence (ou si l’on veut le maintien de l’ordre), au sens où les éléments qu’elle prend en charge sont soutenus par des épreuves (de réalité) et par des qualifications plus ou moins instituées qui (…) tendent à la produire et à la reproduire. (p.94).

Du fait qu’il est situé, corporellement et socialement, « chaque individu ne peut avoir sur le monde qu’un point de vue »… (p.96).

Analyse de la fonction institutionnelle (p.98).
Une institution est un être sans corps à qui est déléguée la tâche de dire ce qui en est de ce qui est. C’est donc d’abord – comme le fait John Searle – dans ses fonctions sémantiques qu’il faut envisager l’institution. Aux institutions revient la tâche de dire et de confirmer ce qui importe. .. de faire le tri de ce qui doit être respecté… de mettre en place des entités durables. (p.117).
Distinction des « moments pratiques » : approches pragmatiques, qui mettent l’accent sur les usages dans un certain contexte, et des « moments de réflexivité » : dans ces derniers : dispositifs de confirmation (permettant d’établir ce qui est et de le maintenir comme étant, malgré le passage du temps) et dispositifs contestant la réalité (formes critiques). (…). Confirmation et critique ne prennent sens qu’envisagées dans leur relation dialogique (p.99).

« L’action n’est pas dénuée de contraintes… Elle peut s’orienter par référence à des points saillants ou à des repères, extérieurs et intérieurs (…). Ces repères fournissent des prises pour coordonner plus ou moins les actions et les orienter vers quelque chose à faire ensemble… Les repères extérieurs sont des dispositifs, des objets matériels ou symboliques. Les repères intérieurs sont des habitudes ou des dispositions, c’est à dire des dispositifs inscrits dans le corps (chez Bourdieu des habitus). Mais il peut s’agir d’états d’esprit plus ou moins stables, pouvant donner lieu à qualification et même, en situation publique, se prolonger dans des justifications. Il peut s’agir enfin de configurations intemporelles relevant de la vie psychique (de l’ordre de ce à quoi fait référence le terme d’inconscient » . (p. 101).







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