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Judith Butler


Le pouvoir des mots. Politique du performatif

Paris : Editions Amsterdam, 2004 (1997) Traduction et préface de Charlotte Nordmann

Dans sa préface, la traductrice écrit : « Le pouvoir des mots est une intervention théorique, polémique, politique. Mais c’est aussi un récit (…) celui de notre venue à l’être dans le langage. (…) Nous sommes ce que nous sommes parce que nous avons été constitués comme sujets dans le langage et par le langage » (p. 8).

« Nous avons été nommés, désignés, identifiés dès avant notre naissance – et très vite, nous avons été insultés, injuriés, blessés par les mots ». Et, un peu plus bas : « Judith Butler affirme une foi inébranlable dans le pouvoir des mots, dans notre pouvoir de détourner la force et la violence des mots du pouvoir, de les retourner pour maximiser notre puissance d’agir » (p.9). « Nous pouvons faire dévier la trajectoire injurieuse des mots : l’histoire de la subversion de mots comme « gay » ou « queer » en témoigne » (p.10).

Extraits de l’introduction « De la vulnérabilité linguistique » :

Nous attribuons au langage un pouvoir d’agir (agency), un pouvoir de blesser (…) . Le langage pourrait-il nous blesser si nous n’étions pas, en un sens, des êtres de langage, des êtres qui ont besoin du langage pour être ? (…) Si nous sommes formés dans le langage, alors le pouvoir formateur du langage précède et conditionne toute décision que nous pourrions prendre à son sujet. (p. 21).

Etre insulté (to be called a name) est l’une des premières formes de blessure linguistique dont nous ayons l’expérience. Mais tous les noms que l’on nous donne ne sont pas injurieux. Recevoir un nom (to be called a name) est aussi l’une des conditions de la constitution d’un sujet dans le langage (…) Recevoir un nom, c’est aussi recevoir la possibilité d’exister socialement… (p. 22).

J. L. Austin avance l’idée que, pour savoir ce qui rend un énoncé efficace, ce qui lui confère son caractère performatif, il est nécessaire de le situer dans une situation discursive totale (…) Ces énoncés font ce qu’ils disent au moment même de l’énonciation ; ils ne sont pas seulement conventionnels, mais aussi rituels ou cérémoniels (p. 23).

Lorsque quelqu’un s’adresse à nous de façon injurieuse, (…) nous subissons, du fait de ce discours, une désorientation. Ce qui se révèle au moment d’un tel bouleversement, c’est précisément la fugacité de notre place au sein de la communauté des locuteurs ; nous pouvons être « remis à notre place » par un tel discours, mais cette place peut être une absence de place. (p. 25).

On ne commence à « exister » qu’en vertu de cette dépendance fondamentale à l’égard de l’adresse de l’Autre. (…) La question du caractère menaçant du langage paraît liée à la dépendance originelle de tout être parlant à l’égard de l’adresse constitutive ou interpellative de l’Autre. (p. 27).

T. Morisson affirme que le langage de l’oppression est violence. (…) Il met en œuvre sa propre forme de violence. (p. 32).

Parler est en soi un acte corporel. (p. 33).

Dans « Le scandale du corps parlant » (…) S. Felman suggère que l’acte de discours, en tant qu’acte d’un corps parlant, est toujours dans une certaine mesure ignorant de ce qu’il accomplit, (…) et n’est donc pas l’emblème de la maîtrise ou du contrôle qu’il prétend parfois être. (p. 34).

L’acte du corps parlant détruit dès son commencement la dichotomie métaphysique entre le domaine du « mental » et celui du « physique », rompt l’opposition entre le corps et l’esprit, entre la matière et le langage. (p. 34-35).

Détacher l’acte de discours du sujet souverain constitue la base d’une conception alternative de la puissance d’agir et, ultimement de la responsabilité (…) Alors que certains théoriciens confondent critique de la souveraineté et démolition de la puissance d’agir, je propose de considérer que la puissance d’agir commence là où la souveraineté décline. Celui qui agit (qu’on ne saurait identifier au sujet souverain) agit précisément dans la mesure où il est institué comme acteur ou actrice, opérant dès le départ à l’intérieur d’un champ linguistique de contraintes habilitantes. (p. 41-42).

Dans l’œuvre de Mari Matsuda, le discours de haine est interprété non seulement comme agissant sur l’auditeur (…) mais aussi comme contribuant à la constitution sociale de celui à qui il s’adresse. (…) L’énoncé enjoint à l’auditeur d’occuper une place subordonnée. De ce point de vue, un tel discours réinvoque et réinscrit une relation structurelle de domination. (…) Il décrète (enacts) la domination, et devient ainsi le moyen par lequel la structure sociale est ré-établie (reinstated). (p. 45).

  • Ce qui est dit ici du discours de haine est aussi valable pour tout discours exprimant le mépris : parole humiliante, discours de pouvoir, exprimant la supériorité de celui qui le tient sur ceux auxquels il s’adresse, provoquant un sentiment d’infériorité et de culpabilité chez ses destinataires (Cf. Barthes)

Il s’agit de penser des formes de puissance d’agir et de résistance (p. 46)

Peut-il y avoir des formulations qui interrompent cette structure, qui la subvertissent par sa répétition dans le discours ? (p. 47).

Le fait que nous venions à « être » par le biais d’une dépendance à l’égard de l’Autre - un postulat hégélien et, bien sûr freudien – doit être reformulé en termes linguistiques, dans la mesure où les termes par lesquels la reconnaissance est régie, c’est à dire conférée ou refusée, appartiennent à l’ensemble plus vaste de rituels sociaux d’interpellation. Nous n’avons aucun moyen de nous protéger contre cette vulnérabilité et cette sensibilité premières à l’appel de la reconnaissance qui suscite l’existence, et il nous est impossible d’échapper à cette dépendance première à l’égard d’un langage que nous n’avons pas fait… (p. 57-58).

Les énoncés des discours de haine (…) forment une part de l’assujettissement permanent qui constitue l’opération même de l’interpellation, cette action continuellement répétée du discours par laquelle des sujets sont formés dans la sujétion. (p. 58).

La responsabilité du locuteur consiste (…) à renégocier les usages hérités qui contraignent et autorisent son discours. (…) La question de savoir comment user au mieux du discours est une question spécifiquement éthique. (…) Elle présuppose un ensemble de questions préalables : qui sommes-nous, nous qui ne pouvons être sans le langage, et qu’est-ce signifie être dans le langage ? (…) Si le sujet qui parle est aussi constitué par le langage qu’il ou elle parle, alors le langage est la condition de possibilité du sujet parlant, et non simplement l’instrument grâce auquel il ou elle s’exprime. (p. 59-60).

Après avoir reçu un nom propre, on est susceptible (subject to) d’être nommé à nouveau. En ce sens, la vulnérabilité au fait d’être nommé constitue une condition permanente du sujet parlant. Que se passerait-il si l’on compilait tous les noms qu’on nous a donnés ? Ne serions-nous pas dans la plus grande perplexité quant à savoir comment définir notre identité ? (p. 62).

La posture linguistique (des sujets) les uns à l’égard des autres, leur vulnérabilité linguistique les uns à l’égard des autres, n’est pas quelque chose qui vient simplement s’ajouter aux relations sociales. C’est l’une des formes primaires que prend cette relation sociale. (p. 63).

Dans « Idéologie et appareils idéologiques de l’État », Althusser s’efforce de décrire le pouvoir de constitution du sujet exercé par l’idéologie à travers la figure d’une voix divine qui nomme et fait ainsi advenir le sujet. Le nom divin fait ce qu’il nomme, mais il subordonne aussi ce qu’il fait. » (p. 64).

« L’exemple de la religion acquiert ainsi le statut de paradigme de l’idéologie (…) Étant donné que l’adresse est un nom qui crée ce qu’il nomme, il semble qu’il n’y ait pas de « Pierre » sans le nom de « Pierre ». Et en effet, Pierre n’existe pas sans le nom qui lui fournit la garantie linguistique de son existence. (p. 65).

Le policier qui hèle une personne dans la rue est habilité à l’appeler ainsi par la force d’une convention réitérée. (p. 67).

Le nom qui interpelle peut aussi advenir sans locuteur – par exemple sous ses formes bureaucratiques, par un recensement, des documents d’adoption ou des formulaires de recrutement. (p. 68).

Celui qui parle n’est pas à l’origine du discours, car le sujet est produit dans le langage par l’usage performatif antérieur du discours : par l’interpellation. (p. 75).

Ce texte cherche (…) à élaborer les grandes lignes d’une théorie plus générale de la performativité du discours politique. (…) Le discours n’est pas seulement défini par le contexte social, il est aussi marqué par sa capacité à rompre avec ce contexte. (p. 77) .

Détourner la force du langage injurieux pour contrer son fonctionnement (…) La resignification du discours requiert que l’on ouvre de nouveaux contextes, que l’on parle sur des modes qui n’ont jamais encore été légitimés, et que l’on produise par conséquent des formes nouvelles et futures de légitimation. (p. 78-79).






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