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Compétence(s) : définition et évaluation



Définir et évaluer les compétences : quelques difficultés théoriques et pratiques
  • dans le champ de la formation professionnelle

Un chapitre du livre de G. Pithon et B. Gangloff (Dir.): Evaluer pour former, orienter et apprécier le personnel, L'Harmattan, 2005 (p. 113-133).


Ce chapitre proposera, dans une première partie, une tentative pour éclairer la notion de compétence et comprendre son succès actuel dans le champ de la formation professionnelle, notamment en entreprise. Il exposera tout d'abord les deux principales sources de la diffusion de la notion dans les discours et les pratiques de formation : le courant d'origine américaine connu sous le nom de competency based education et les travaux d'ergonomie et de gestion des ressources des humaines qui s'appuient sur l'analyse des activités et des situations de travail afin de définir les connaissances, habiletés et capacités requises pour y être efficace. Puis il proposera quelques éléments de définition de la notion, à partir des points d'accord qui semblent ressortir des nombreux travaux publiés ces dernières années sur cette question.

Dans sa seconde partie, il présentera les principales difficultés et les enjeux liés à l'évaluation des compétences, qu'il s'agisse de définir les compétences requises pour exercer un métier ou occuper un emploi (construction de référentiels), d'évaluer avec une certaine objectivité les compétences acquises par les personnes (à l'issue d'une action de formation ou d'un parcours professionnel), ou d'instaurer des méthodes de gestion prévisionnelle et d'ingénierie des compétences.



1. Origine de la notion de compétence dans le champ de l'éducation et de la formation

Nous n'aborderons pas ici la définition générale du terme de compétence, ni son origine dans le domaine juridique, pas plus que le sens technique qu'il a pris en psycholinguistique, par opposition à celui de performance, mais nous limiterons à présenter la signification de la notion de compétence dans le champ de la formation. Nous remarquerons tout d'abord qu'elle est aujourd'hui utilisée tous les jours par la plupart des praticiens de la formation professionnelle, et notamment par ceux qui travaillent dans le domaine de la formation continue. Mais son usage très fréquent n'exclut pas un certain flou dans la définition du terme, ou plutôt dans les significations peu stabilisées avec lesquelles il est utilisé. Pour tenter de clarifier quelque peu cette question, nous présenterons tout d'abord les deux principaux courants qui nous semblent à l'origine de la diffusion et du succès croissant de cette notion.


1.1 Le courant de la competency based education
Ce courant s'est développé à partir du début des années soixante-dix aux Etats-Unis dans un contexte de réforme de l'enseignement secondaire et supérieur (Tremblay 1990). Ces réformes étaient liées à un bilan critique, très négatif, qui avait été fait de l'efficacité de l'enseignement secondaire américain à cette époque. Elles avaient pour but de formuler autrement les objectifs et les programmes d'enseignement, afin d'en améliorer les résultats. Elles étaient fondées sur une approche inspirée du pragmatisme, à l'opposé d'un enseignement traditionnel, défini par des contenus de connaissances, divisés en disciplines académiques.

Ce courant de pensée n'est pas propre à la formation des adultes, ni à l'enseignement professionnel mais, dans ces domaines, il s'est rapidement diffusé, au point de devenir le courant dominant. D'ailleurs, on peut remarquer qu'en France, ce n'est qu'à la fin des années quatre-vingt que la notion de compétence est devenue centrale dans une nouvelle approche de la conception des programmes d'enseignement (Ropé et Tanguy (1994, p.23). Dans notre pays, ces travaux d'origine nord-américaine ont d'abord pénétré les milieux de la formation des adultes et de l'enseignement professionnel, peut-être plus ouverts aux idées nouvelles, ou plus sensibles aux effets de mode, diront ceux qui portent sur ces évolutions un regard plus critique.

Il est possible de les situer parmi un ensemble de courants et de notions (comme la pédagogie par objectifs, la réflexion sur la reconnaissance et la validation des acquis, la centration sur l'apprenant et sur l'apprentissage, l'individualisation de la formation, etc...) qui ont progressivement gagné du terrain, provenant des Etats-Unis, souvent via le Canada et les pays francophones d'Europe (Suisse et Belgique), avant de se diffuser plus tardivement dans la grande machine qu'est l'Education Nationale en France.

Quelles sont les principales caractéristiques du courant pédagogique, qui se définit comme fondé sur les compétences ? A la suite de Tremblay (1990), nous retiendrons les trois principales :
- le programme d'enseignement est formulé en terme de compétences à acquérir, c'est à dire de savoir-faire (know how), plutôt que de connaissances (know that) ; la liste de ces compétences étant définie à partir des fonctions que les apprenants auront à remplir dans l'avenir,
- ces compétences sont conçues comme étant le résultat d'un apprentissage et doivent pouvoir être évaluées objectivement, selon des modalités explicites, sur la base de l'observation des performances,
- les acquis des apprenants sont certifiés, de façon à faire apparaître clairement le niveau de maîtrise qu'ils ont atteint par rapport aux compétences visées.

Il faut signaler que cette approche de l'éducation et ses applications, notamment en formation initale, ont été l'objet de critiques, aussi bien en Amérique du Nord qu'en France, de la part de ceux qui les jugent trop marquées par l'utilitarisme et le behaviorisme, ou qui leur reprochent de conduire à une sorte de taylorisme éducatif (Field 1993, Stroobants 1998a). Ces critiques lui opposent une conception plus désintéressée de la formation et de la culture, plus proche de la philosophie humaniste classique.


1.2 L'ergonomie et la gestion des ressources humaines

Le deuxième courant qui a contribué selon nous à la diffusion de la notion de compétences, de façon encore plus nette que celui de la competency based education, est issu de l'ergonomie et de la gestion des ressources humaines.
Un certain nombre de travaux d'ergonomie, en particulier de travaux empiriques, de monographies réalisées dans les entreprises au cours des années quatre-vingt ont montré l'importance et la complexité des capacités mises en oeuvre dans leur travail par les ouvriers et les employés, même lorsque ce travail paraissait peu qualifié. On a donc assisté à cette période, dans un contexte de remise en cause du taylorisme et en réaction à une vision antérieure qui insistait sur l'idée de déqualification des travailleurs, à une sorte de réévaluation des savoir-faire mobilisés par les hommes au travail (Stroobans 1993). De plus, la motivation, l'engagement au travail, le professionnalisme, c'est à dire un ensemble de capacités et d'attitudes investis dans l'activité professionnelle, ont été reconsidérés et revalorisées, en relation avec le développement de nouvelles formes d'organisation du travail (ateliers flexibles, flux tendus, démarches qualité,...). L'émergence du "modèle de la compétence" (Zarifian 1988) est en effet indissociable d'une évolution du système productif et des relations sociales, évolution dans laquelle la responsabilisation du salarié, à la fois dans la production et dans le développement de ses capacités, est centrale.

Les contreparties de cet engagement accru demandé aux salariés sont généralement la stabilité de l'emploi, les possibiliés de formation et de promotion qui caractérisaient le marché interne du travail, au moins dans les grandes entreprises et le secteur public. Il faut remarquer aussi que cette tendance s'est accompagnée à la même époque, d'une aggravation du dualisme, de la segmentation du marché du travail, avec des conséquences très négatives pour ceux qui n'avaient pas la chance d'être entrés dans ces secteurs relativement favorisés, ou qui en étaient brutalement exclus, du fait des restructurations industrielles et de la modernisation de l'appareil productif.

Dans le champ de la gestion des ressources humaines (GRH), on voit alors s'ajouter la notion de gestion des compétences à la gestion prévisionnelle des emplois, dans une approche intégrée de la formation en entreprise. (Voir Mallet 1991, Sontag 1994 ; pour une revue plus complète des apports de l'ergonomie et des sciences humaines appliquées au travail à la définition de la notion de compétence, voir Aubret, Gilbert et Pigeyre 1993, chap. 1).

Les spécialistes de la GRH, et plus précisément de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences s'appuient sur une définition, souvent implicite, de la notion de compétence. Lorsqu'ils essaient de l'expliciter ils proposent par exemple : "un ensemble de connaissances, de capacités d'action ou de comportements structurés en fonction d'un but et dans un type de situations données" (Gilbert et Parlier 1992) ou "les capacités qui permettent d'effectuer un ensemble de tâches précises, observables et mesurables dans l'activité" (Betbeder 1998). Ces capacités sont souvent déclinées selon l'habituel découpage en savoirs, savoir-faire et savoir-être, auxquels s'ajoutent parfois des capacités "cognitives" ou "sociales" (Le Boterf 1994). Elles sont définies à partir de référentiels d'emploi ou de "métiers", traduits en référentiels de compétences qui sont utilisés aussi bien pour le recrutement, que pour la gestion des carrières ou pour la conception de programmes de formation et de méthodes de validation des acquis de l'expérience professionnelle.


2. Eléments de définition de la notion de compétence

La diffusion des idées issues de ces deux courants (competency based education et travaux d'ergonomie et de GRH) a eu pour conséquence, à partir du milieu des années quatre-vingt et surtout au cours des années quatre-vingt-dix, que la notion de compétence s'est imposée comme une évidence dans les discours sur la formation professionnelle et l'éducation des adultes. La diversité de ceux qui l'utilisent et le très large usage qui en est fait ont sans doute contribué à aggraver la difficulté de sa définition. La plupart de ceux qui emploient le terme n'éprouvent d'ailleurs pas le besoin de le définir, tant il leur parait aller de soi (Ropé et Tanguy 1994).

Nous pouvons tenter d'expliciter les éléments qui nous semblent communs à la plupart des définitions qui ont été proposées et qui résument les aspects essentiels de la signification de ce terme, tel qu'il est utilisé par les professionnels de la formation. Nous mettrons tout d'abord en évidence les traits les plus caractéristiques qui les distinguent d'autres notions comme celles de connaissances, de capacités ou de qualification : l'opérationnalité et la contextualité. Nous essaierons ensuite de spécifier leurs modes de construction et d'évaluation.


2.1 Opérationnalité et contextualité des compétences

Le premier aspect permettant de caractériser la notion de compétence est l'accent mis sur les savoir-faire, plutôt que sur les connaissances, autrement dit sur la capacité d'un individu à accomplir une tâche, à faire la preuve de son savoir-faire dans la pratique, par ses performances, par le résultat de son action en situation réelle de travail. C'est donc d'abord l'opérationnalité qui nous semble définir la compétence. Mais cela suppose que le contexte et la situation dans laquelle ce savoir-faire sera mis en oeuvre soient précisément définis. Il s'agit en général d'une situation professionnelle, dont les caractéristiques, les exigences et les contraintes sont précisées, l'ensemble des tâches listées. Il peut également s'agir de situations sociales, de la vie quotidienne, de situation de communication, de démarches à effectuer, hors des situations de travail, notamment dans le cas de formation visant une insertion sociale plutôt qu'une adaptation directe à un emploi. On peut résumer cette idée sous la terme de contextualité.

Il faut toutefois mentionner quelques travaux qui contestent l'idée que toute compétence est spécifique, et qui mettent en avant l'existence de compétences génériques (Tremblay 1990, Stroobants 1998a), transversales (Rey 1996) ou sociales, comme les compétences de raisonnement logique, de résolution de problèmes, les compétences de communication et de coopération avec autrui, ces dernières étant parfois reliées à des attitudes ou des traits de personnalité (par exemple : l'ouverture d'esprit, l'adaptabilité, le sens des responsabilités, l'ouverture aux autres,...). Pour notre part, nous considérons plutôt qu'il s'agit de capacités (voir ci-dessous) et limiterons le terme de compétences à la désignation de savoir-faire opérationnels et contextualisés.

C'est ce qui les différencie des connaissances ; en effet, celles-ci sont organisées par disciplines académiques, par domaines du savoir scientifique, et non en fonction de domaines d'activités concrètes et elles sont abstraites, théoriques, décontextualisées (Barbier 1996). Les compétences se distinguent aussi des capacités, qui sont découpables, analysables en éléments classés à partir des taxonomies d'objectifs opératoires, en domaines (cognitif, socio-affectif et psycho-moteur), alors que les compétences sont plus globales, plus liées à des activités ou des fonctions, qu'à des opérations élémentaires.

Enfin, les compétences doivent être distinguées des qualifications, souvent liées à des diplômes, socialement et conventionnellement reconnues et validées, acquises une fois pour toutes ; alors que les compétences sont propres à un individu et à une situation professionnelle particulière, qu'elles ne sont généralement pas reconnues par des accords collectifs, ni définitivement acquises, qu'il faut sans cesse en faire la preuve et continuer à les développer, pour s'adapter aux évolutions des méthodes de travail et des technologies. Cette opposition entre compétences et qualifications a souvent fait l'objet de discussions, dans la mesure où elle soulève des enjeux sociaux, voire syndicaux, et idéologiques. Nous y reviendrons dans la seconde partie de ce chapitre.

2.2 Modes de construction et d'évaluation des compétences

Pour aller plus loin dans la compréhension de la notion de compétence, nous devons maintenant nous demander comment les compétences se développent et comment il est possible de les évaluer.

La première idée sur laquelle il faut insister, c'est que les compétences sont construites et non transmises. Elles sont le résultat d'un processus d'apprentissage accompli par le sujet et qui suppose une activité de sa part, plutôt qu'un enseignement reçu. Cette activité d'apprentissage ou de construction des compétences se fait en général en situation réelle de travail ou dans des situations qui se rapprochent de celle-ci (simulations, études de cas,...), parfois grâce à l'alternance entre formation en centre ou en école et formation sur le lieu de travail. Les compétences sont donc construites dans et par l'activité. Selon certains auteurs, cette construction suppose en outre une réflexion a posteriori, une analyse des pratiques professionnnelles, qui permet d'expliciter les savoirs d'action, de formaliser les acquis de l'expérience (Vermersch 1994, Schön 1994, Wittorski 1998, Clot 2000). Le rôle du tuteur, du formateur de terrain, s'apparente à celui du maître d'apprentissage ou du compagnon plus expérimenté ; il montre son propre savoir-faire, son expertise, qui sert de référent d'une bonne pratique, plutôt qu'il n'explique ou démontre. Le formateur en centre de formation professionnelle, dans le cas de formation alternée, n'est pas un enseignant ; même s'il peut apporter des connaissances, plus méthodologiques que purement théoriques, il est surtout là pour préparer avant, et exploiter ensuite, les périodes de formation en entreprise, souvent vécues comme le lieu où se réalise vraiment l'acquisition des compétences, des savoir-faire utiles. Il peut aussi avoir un rôle de facilitateur et d'interlocuteur pour l'analyse des activités, la réflexion sur la pratique, la transformation des savoir-faire en connaissances (Schwartz 1993, Hébrard 1994).

Pour aller plus loin dans la compréhension du processus par lequel se développent les compétences professionnelles, Pierre Pastré propose une approche théorique s'inspirant des travaux de Piaget et de Vergnaud, qu'il nomme didactique professionnelle. Il mobilise notamment les concepts de schème, ou d'invariant opératoire, et de concept pragmatique et s'intéresse en particulier à l'utilisation de simulateurs en formation (Pastré 1999).

Qu'est-ce qui permet de caractériser l'évaluation des compétences, par opposition à l'évaluation de connaissances, résultats d'un enseignement ? Les auteurs qui ont traité de cette question considèrent pour la plupart qu'on ne peut évaluer l'acquisition de compétences que sur la base d'un ensemble de critères et d'indicateurs de performances, définis à partir des critères de qualité et d'efficacité dans la réalisation des différentes tâches et activités constituant une fonction ou un emploi. Le référentiel de compétences permettant de faire cette évaluation est construit à partir de l'analyse de la situation professionelle et de la description du contenu du travail qui y est accompli. L'instance chargée de produire ce référentiel est en général composée de professionnels de la branche ou de l'entreprise (chefs d'entreprises, hiérarchie opérationnelle, parfois représentants des salariés du secteur,...) auxquels peuvent s'ajouter des consultants ou des formateurs spécialisés apportant un appui méthodologique (Ouaknine, 1998). L'idée que l'évaluation des compétences ne peut véritablement se faire qu'en situation de travail et que par conséquent ce sont les professionnels et les entreprises qui doivent réaliser cette évaluation est souvent formulée par ceux qui se situent dans cette approche. Les entreprises et les branches professionnelles réclament également la responsabilité de la validation, de la certification des compétences et proposent de nouveaux outils, comme des certificats de compétence professionnelle (CQP), qui viennent concurrencer les diplômes délivrés jusqu'ici par l'Education Nationale ou les autres structures de formation (Centre INFFO 1998).

Sur cet aspect de l'évaluation, il faut ajouter que les compétences peuvent être acquises par l'expérience professionnelle, indépendemment de tout enseignement formel ou de toute formation systématique et qu'il apparait donc normal de prévoir des modalités qui permettent de reconnaître et de valider les compétences ainsi acquises. C'est dans cet esprit qu'ont été instaurés en France un droit au bilan de compétences et à la validation des acquis professionnels. Des procédures ont ainsi été créés ou renforcés au début des années quatre-vingt-dix et elles sont entrées dans le droit du travail. La mise en place de centre agréés pour réaliser ces bilans de compétences, et de jurys de validation permettent un exercice effectif de ces droits, même s'ils ne concernent encore qu'un nombre limité de personnes (Liétard, 1999). Mais il ne suffit pas d'affirmer ces principes ou de décrire ces procédures pour que les pratiques d'évaluation des compétences se développent dans les entreprises, les centres de bilans, les organismes de formation ou les établissements d'enseignement. En effet, il existe un ensemble de difficultés et d'enjeux sociaux qui peuvent constituer des obstacles non négligeables dans ce domaine. Ils portent sur des aspects essentiels des démarches et des outils supposés permettre l'évaluation de compétences professionnelles : la construction de référentiels de compétences, la réalité ou l'objectivité des compétences elles-même qu'il s'agit d'évaluer, la gestion prévisionnelle et l'ingénierie des compétences.

3. Difficultés et enjeux liés à l'évaluation des compétences

3.1 La construction de référentiels de compétences

Comme nous l'avons déja indiqué, les compétences professionnelles acquises par des salariés ne peuvent être évaluées que sur la base d'un référentiel de compétences, lui-même construit à partir d'un référentiel d'emploi ou de métier. Ce dernier décrit les fonctions, les tâches et les activités constituant le contenu du travail à effectuer. La première difficulté tient à la distinction que font les ergonomes entre la tâche et l'activité. La tâche est le travail prescrit, tel qu'il est défini par la hiérarchie et, lorqu'ils existent, par les documents décrivant les fonctions, les méthodes, voire les procédures qui doivent être utilisées pour effectuer ce travail. L'activité, c'est le travail réel, la façon dont les personnes occupant tel emploi s'y prennent effectivement pour réaliser les tâches qui leur sont confiées. Or de nombreux travaux d'ergonomie ont montré qu'il existe toujours un écart entre le travail prescrit et le travail réel, et que cet écart est souvent important. Il tient à la fois à l'inventivité des travailleurs, qui trouvent des méthodes, souvent plus économiques pour eux, parfois plus efficaces que les méthodes prescrites, pour réaliser leurs tâches, mais aussi à la variabilité et à la complexité des situations et des problèmes à résoudre, qui ne peuvent être entièrement prévus et enfin à l'évolution des emplois et des contextes réels de travail, qui est plus rapide que le changement des consignes et des règlements. La question que nous devons alors nous poser est la suivante : la personne vraiment compétente n'est-elle pas celle qui est devenue experte dans la maîtrise de l'activité, qui est capable de faire face à toutes les situations, de résoudre tous les problèmes, même ceux que le travail prescrit ne connnait pas ? La réponse est évidente, mais la difficulté essentielle vient alors du fait qu'il est plus difficile de décrire l'activité que la tâche. Cela suppose non seulement d'observer le travail réel, en situation, d'un certain nombre de personnes, mais aussi de les interroger, afin de comprendre comment et pourquoi ils agissent de telle manière, prennent telle décision, exécutent tel geste, car l'activité ne se réduit pas à des comportements observables, elle repose sur des représentations et des raisonnements, sur ce que Pastré nomme la structure conceptuelle de la situation, dont la maîtrise seule permet l'efficacité dans l'action (Vergnaud 1996, Pastré 1998). Or accéder aux schèmes et aux concepts pragmatiques qui sont à l'oeuvre et qui expliquent l'efficacité dans l'action, n'est pas facile et suppose un travail spécifique. Des méthodes existent pour le réaliser, comme l'entretien d'explicitation (Vermersch, 1994), ou d'autres approches en analyse du travail (voir Schwartz 1997, Clot 2000), mais leur mise en oeuvre suppose une formation conséquente et un temps important.

On peut considérer qu'il est possible de faire l'économie de cette analyse de l'activité et de se limiter à des référentiels décrivant des listes de tâches et précisant pour chacune quelques indicateurs de performance. C'est sans doute la pratique la plus répandue, mais elle comporte le risque de n'évaluer que les aspects courants et routiniers d'un emploi, en passant à côté de ce qui fait la compétence réelle, la véritable expertise dans la réalisation du travail. Une analyse en profondeur de l'activité nous paraît en tout cas indispensable, lorsqu'on ne veut pas seulement évaluer l'acquisition de compétences, mais également concevoir un programme de formation permettant de les développer.

Une autre difficulté que nous mentionnerons ici est celle qui est liée à ce qu'il est convenu de nommer les compétences tacites (tacit skills). Il s'agit d'habiletés, de savoir-faire qui demeurent cachés, voire même inconscients, pour ceux qui les utlisent (Schön 1996). Ils sont à l'oeuvre, mais il est impossible de les expliciter, de les formuler, et donc d'en faire la liste. Ils relèvent soit d'automatismes et de tours de mains, donc d'habiletés gestuelles acquises avec l'entrainement, l'habitude, l'expérience et incorporés, comme savoir faire de la bicyclette ou jouer d'un instrument de musique ; soit de compétences langagières, ou encore d'une part intuitive, difficile à analyser, dans la conduite adoptée dans des situations complexes, face à des problèmes mal définis, dont on ne maîtrise pas tous les paramètres, comme beaucoup de situations de relations humaines. Ces compétences tacites soulèvent de redoutables problèmes théoriques et méthodologiques (Stroobans 1993, chap. 2). Là encore nous en sommes réduits à rester à un niveau assez global et extérieur, à indiquer dans les référentiels la fonction ou la tâche assez large qu'il s'agit de réaliser, avec quelques difficultés pour décrire l'activité et trouver des indicateurs précis permettant de l'évaluer. Que signifie par exemple réguler efficacement le temps de parole dans une réunion ? Faut-il que chacun s'exprime, même ceux qui ne semblent pas le souhaiter ? A partir de quand doit-on considérer que l'un des participants, qui s'exprime plus fréquemment, commence à monopoliser la parole ?

Face à de telles difficultés doit-on conclure qu'il est impossible ou illusoire de construire des référentiels de compétences et de les utiliser pour concevoir des actions de formation ou pour évaluer les compétences requises par un emploi ? Nous considérons plutôt qu'il faut avoir conscience des limites de tels outils et ne pas leur demander plus qu'ils ne peuvent nous donner. Malgré les connotations que le terme lui-même suggère (outil de référence rigoureux, fournissant des informations exhaustives, des indicateurs précis, incontestables,...) il faut reconnaitre qu'il s'agit le plus souvent d'outils imparfaits, incomplets et provisoires, c'est à dire améliorables. On peut donc considérer qu'ils ont une certaine utilité et qu'ils sont en tout cas préférables à l'abscence totale de repères.

Leur élaboration est toutefois difficile et demande la mobilisation de différents acteurs (responsables des entreprises, cadres, représentants du personnel, formateurs et consultants spécialistés,...), qui peuvent travailler ensemble dans des groupes métiers (Ouaknine 1998) ou mener des travaux d'enquête participative ou de recherche-action sur le terrain, du type de ceux qui sont menés dans le cadre des "Contrats d'Etudes Prospectives" au niveau d'un secteur d'activité (Ministère de l'emploi et de la solidarité 1998).

Enfin, il ne faut pas oublier qu'à chaque fois qu'il s'agit de produire du savoir sur le travail, des valeurs sont en jeu et des résidus demeurent, qui sont loin d'être négligeables, comme le montrent les travaux de quelques sociologues et philosophes du travail (Schwartz 1997).

3.2 La reconnaissance des compétences acquises : résultat d'une mesure ou enjeu d'une négociation sociale ?

Plusieurs auteurs ont insisté sur l'importance de la reconnaissance pour la définition de la compétence : on ne s'autoproclame pas compétent, la compétence n'existe que si elle est reconnue par autrui. Le Boterf (1994) la définit comme "un savoir-agir reconnu", l'accord Cap 2000, signé dans la sidérurgie en 1990, comme "un savoir-faire opérationnel validé". La question qui se pose alors est la suivante : les compétences acquises par une personne peuvent-elles être objectivement mesurées, ou du moins évaluées, afin d'être reconnues ou validées ? Pour certains auteurs la réponse est évidente : la réalité et l'objectivité des compétences ne fait aucun doute et il suffit de construire des outils et de les appliquer systématiquement pour que le problème de l'évaluation des compétences soit résolu. Walklin (1991) et son manuel, inspiré de l'approche développée en Grande-Bretagne, dans le cadre des référentiels nationaux de qualifications professionnelles (National Vocational Qualifications) est bien représentatif de cette position.

Il propose une méthode, succinctement décrite pour mener une "analyse fonctionnelle" du contenu du travail. A partir de l'expression des missions ou buts principaux (key purposes) correspondant à un emploi, un groupe de spécialistes définit les grandes fonctions à réaliser pour les atteindre, puis en posant la question "que doit-il se passer pour que cela soit réalisé ?", ils formulent l'intitulé des unités (ou domaines) de compétences, elles-mêmes subdivisées en éléments de compétence. Il ne reste qu'à déterminer pour chacun les critères de performance décrivant les comportements dont l'observation constituera la preuve de la maîtrise de la compétence visée. Par exemple pour une fonction d'accueil de la clientèle, à côté d'unités de compétence concernant la tenue et la présentation, l'hygiène et la sécurité, l'utilisation du matériel et des méthodes de travail, une unité est intitulé "met en oeuvre des capacités relationnelles efficaces" (uses effective interpersonal skills) et ses critères de performances sont:
- utilise un langage clair, précis et naturel,
- accueille, salue, répond aux clients poliment et avec un sourire,
- écoute attentivement les clients,
- montre sa capacité à travailler en équipe,
- adopte une attitude correcte (correct posture)
- écoute attentivement les consignes de travail,
- la communication écrite est claire, adaptée et bien présentée,
-... (Walklin 1991, traduction libre).

Il suffit alors d'évaluer les performances d'un salarié à partir de ces critères pour pouvoir se prononcer sur son niveau de compétence.

D'autres auteurs considèrent que cette approche pragmatique est trop réductrice et qu'elle fait l'impasse sur une interrogation concernant la réalité, en quelque sorte substantielle des compétences et la possibilité de les attribuer à des personnes, au lieu de les considérer comme le résultat de la relation contingente entre une personne et une situation. Comme les traits de personnalité, évoqués par Gangloff dans un autre chapitre de cet ouvrage, la croyance dans l'objectivité des compétences et dans leur permanence ne serait-elle pas due plutôt à l'influence de la norme d'internalité et plus largement à l'idéologie que dénonçait déja Beauvois (1994 ). Curie (1998) soutient une critique du même ordre, lorsqu'il évoque à ce sujet "le poids de la norme sociale dans l'imputation causale interne". Il montre que les évolutions techniques, économiques et sociales, produisant une augmentation des incertitudes, tendent à renforcer la tendance du discours managerial à privilégier la notion de compétence au détriment de celle de qualification, pour expliquer les différences de performances constatées. Il rappelle que cette évolution n'est pas désintéressée et il dénonce la dimension idéologique sous-jacente à un ensemble de travaux se référant à la notion de locus of control. Il conclut en soulignant que : "tous ces résultats convergent sur l'idée que l'explication de ce que l'on fait (attribution) et de ce qui nous arrive (...) en terme de facteur causal interne et donc en termes de compétences, correspond à une norme sociale..." et que celle-ci "est en cohérence avec la pensée libérale qui postule un sujet réputé libre, autonome, responsable de ses actes donc évaluable et sanctionnable." (op.cit. p. 139-140, voir aussi : Dubois 1994).

Par ailleurs des travaux en économie et sociologie du travail, comme ceux de Paradeise (1987) soulignent que ce problème doit être compris en terme d'enjeux sociaux, et qu'il soulève la question l'articulation entre valeur d'usage et valeur d'échange de la force de travail. Du point de vue de la valeur d'usage, ce qui est en jeu c'est son utilité sociale ; ce qui permet de comprendre que la compétence est un jugement porté par les autres (la hiérarchie, les pairs, les clients, les instances habilitées à se prononcer dans ce domaine). Ce jugement est à la fois sanction d'un parcours antérieur (parcours de formation et expérience) et autorisation (à exercer, à poursuivre un cursus de formation). Il a pour effet d'attribuer une capacité sociale reconnue et contribue à la construction de l'identité sociale et professionnelle. Comme d'autres jugements, il est pour une part fondé sur des preuves (evidences, en anglais), mais on sait que l'habilité à les présenter, à les mettre en valeur et le contexte local, social et économique, ne sont pas sans influence sur le poids de ces preuves. Du point de vue de la valeur d'échange, son prix est fixé par le marché, mais elle fonctionne aussi comme un signe, un emblème et, comme la marchandise, elle est une forme-valeur et présente un caractère fétiche, qu'elle partage avec les produits du travail, dès qu'ils deviennent des choses sociales (Marx 1993, p.81).

La compétence n'est donc pas un donné, mais plutôt le résultat d'une négociation sociale entre différent acteurs. On peut d'ailleurs en dire autant de la qualification, mais la différence essentielle est que la qualification fait l'objet d'une négociation collective et instituée, alors que la compétence est négociée individuellement, au cas par cas. Le pouvoir de négociation du salarié n'est évidemment pas le même que celui de l'employeur, du moins lorsque le marché du travail est caractérisé par une offre abondante et une demande qui se raréfie.

Parmi les travaux de sociologie du travail, nous citerons enfin l'article de Merchiers et Pharo (1992) qui apportent une certaine clarification en proposant de distinguer deux aspects de la compétence: l'aspect cognitif et l'aspect normatif. Ils montrent notamment que la compétence étant "mise en oeuvre dans des dispositifs sociaux, c'est le regard normatif sur cette mise en oeuvre qui reconnait la compétence de l'individu", ce qui explique "l'aspect interactif, normatif et rétrospectif du jugement de compétence" (op. cit., voir aussi Zarifian 1994).

Pour tenter de résumer l'essentiel de ces travaux nous rappelerons qu'ils remettent en cause l'objectivité des compétences et donc la possibilié de porter sans états d'âme des jugements de compétence ou d'incompétence sur des individus, ou du moins de leur attribuer, à partir d'une imputation causale interne, un certain nombre de compétences, considérées comme des attributs stables d'un sujet, dont il est responsable. Ils conduisent plutôt à considérer que la compétence caractérise non pas un individu, mais la relation entre un individu et une situation (des situations), qu'elle se construit dans un parcours, dans des interactions, des transactions avec autrui. Nous ajouterons qu'elle relève d'une analyse en termes de rapports sociaux, c'est à dire à la fois de rapports de force et de rapports symboliques producteurs de sens. En effet, ils se déroulent dans le cadre d'une organisation, de règles, d'institutions qui définissent les formes par lesquelles il faut passer, les procédures de reconnaissance, les conditions de la négociation et contribuent à lui donner un sens et une valeur.

3.3 gestion prévisionnelle des compétences ou autonomie des acteurs: limites de l'ingénierie des compétences

La dernière série de questions que nous voudrions soulever, concernent les difficultés auxquelles nous semblent se heurter les notions de gestion des compétences ou d'ingénierie des compétences, dont le succès est aujourd'hui considérable (Le Boterf 1999). Les termes de gestion et d'ingénierie nous semblent adéquats pour décrire le traitement de données quantitatives, pour le premier (on gère des stocks, des flux matériels ou financiers, du personnel), la conception et la conduite de dispositifs, de processus, de projets qui ont généralement une dominante technique, pour le second. Mais on peut contester leur pertinence pour rendre compte des processus de construction, d'évaluation et de reconnaissance des compétences, dont nous avons souligné les enjeux humains et sociaux. Il nous semble que ces notions sont significatives d'une tendance à réduire les compétences à des attributs objectivables, à des comportements observables et mesurables (voir la définition citée par Bedbeder 1998). Elles tombent alors sous les mêmes critiques que celles qui ont été formulées à l'égard de la technologie des objectifs pédagogiques. Elles sous-estiment ou négligent complètement de considérer un ensemble de difficultés, que ce soit celles liées aux tacit skills, aux biais liés à la norme d'internalité, ou encore à la dimension de négociation sociale, inhérente à l'évaluation des compétences. Elles nous semblent significatives d'une sorte de régression dans la pensée concernant l'homme au travail, vers des approches dépassées de longue date par les connaissances produites ces dernières années par la sociologie et la psychologie du travail. Elles reposent sur des bases épistémologiques et théoriques très confuses, mêlant souvent des notions et des concepts incompatibles dans des amalgames pittoresques. Je citerai par exemple la typologie des savoirs que propose un auteur considéré par beaucoup comme une référence :
- savoirs théoriques
- savoirs procéduraux
- savoir-faire procéduraux
- savoir-faire expérientiels
- savoir-faire sociaux
- savoir -faire cognitifs
(Le Boterf 1994, p.115)

Dans le même ouvrage on trouve une série d'exemples de savoirs censés appartenir à la même catégorie (les "savoir-faire procéduraux") :
- savoir utiliser des terminaux informatiques
- savoir lire et comprendre un plan
- savoir conduire une réunion d'études de problèmes
- savoir positionner la pièce par rapport à la soudure
- ... (op. cit. p. 89)
Ces typologies et les usages pratiques qui sont donnés comme exemples, nous semblent montrer à l'évidence la grande confusion qui règne dans ce domaine et l'utilisation incohérente qui est faite de notions et de concepts empruntés à différents courants de psychologie cognitive.

Si les compétences ne sont pas des objets extérieurs aux sujets qui les portent et aux interactions sociales qui les construisent à travers des négociations et des conflits, si en conséquence elles ne sont ni transmises, ni échangées, comme des produits ou des marchandises (même si c'est en quelque sorte le marché du travail qui en détermine la valeur), nous ne pensons pas qu'elles puissent au sens propre être gérées. Cette critique pourrait d'ailleurs remettre aussi en cause des notions comme "échange des savoirs" ou "économie de la connaisssance". Elles ont pour point commun de considérer les savoirs, les connaissances, les capacités ou les compétences comme des objets ou des produits, séparables des sujets connaissants et des situations sociales dans lesquelles ils sont mobilisés et reconnus. De ce point de vue on pourrait les rapprocher de ce que Freire (1974) nommait "la conception bancaire de l'éducation".

Lorsque les compétences sont envisagées comme processus, ces derniers sont le plus souvent assimilés à des processus de fabrication, des procès techniques de transformation d'un matériau par une action planifiée et rationnalisée du type de celles que préconisent des sciences de l'ingénieur. De ce point de vue elles nous semblent relever des mêmes critiques que celles que l'on peut faire à certaines approches de la formation professionnelle, considérée comme un procès de travail exercé par le formateur, par le moyen d'outils et de techniques, sur un apprenant, transformé en objet passif - sur ses représentations, ou même son habitus (Lesne et Minvielle 1990, Hébrard 1996, 1997).

Nous considérons pour notre part que les compétences ne sont pas des choses, possédées par les personnes, mais une part de leur identité sociale et professionnelle, construite à travers des interactions, des rapports sociaux. C'est pour cette raison qu'elles résistent au raisonnement des ingénieurs et des gestionnaires, sauf à en adopter une vision si réductrice qu'elle cesse d'être opératoire. Si les compétences intéresssent autant les DRH aujourd'hui, c'est qu'ils sont convaincus qu'il existe une relation entre la compétence des salariés et l'efficacité de l'entreprise en termes de productivité, de qualité et de rentabilité. Mais ce lien est complexe ; il passe par l'engagement, la mobilisation des hommes au travail, et pas seulement par leur savoir-faire. Cette mobilisation est elle-même fonction de la reconnaissance que l'entreprise apporte, en contre-partie du travail fourni. La causalité semble ici circulaire : on entre dans le cercle vertueux de la reconnaissance, de l'engagement et de l'efficacité ou on reste dans le cercle vicieux de la déqualification, de la démotivation et de l'inefficacité. C'est ce que soulignent les travaux qui s'appuient sur la notion d'organisation qualifiante (Zarifian 1994, p.111). Ils ont pour intérêt, comme d'autres recherches sociologiques récentes, de prendre en compte à la fois la complexité du social et l'autonomie des acteurs (Lahire 1998).

Pour conclure nous insisterons sur l'idée que les difficultés que nous avons soulignées dans la définition et l'évaluation des compétences sont significatives d'un certain état des connaissances qui sont aujourd'hui diffusées sur l'homme au travail et sur la construction des savoirs, des capacités, des identités et des compétences. Nous ne pouvons que souhaiter ici que les praticiens qui traitent de ces questions développent leurs propres capacités à analyser et à comprendre ce que sont les compétences, la façon dont elles se constituent et peuvent être évaluées. Cela suppose sans doute qu'ils fassent un sérieux effort de mise à jour sur la base d'un ensemble de travaux récents en sciences humaines, et en particulier en psychologie ergonomique, en sociologie du travail et en sciences de l'éducation. Cela suppose aussi, à notre avis, qu'ils acquièrent une distance critique, qui leur fait trop souvent défaut, à l'égard du discours managérial et de l'idéologie libérale.


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