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Paulo FREIRE (1921-1997)



P. Freire et sa pédagogie de la libération :
ni utopie, ni idéologie, mais praxis et projet


Ce texte est publié dans les Actes du colloque "Utopies et pédagogies", Waldersbach : Musée Oberlin, 2004.

  • Paulo Freire est un auteur brésilien qui a développé, à partir du début des années 1960, d'abord dans son pays, puis dans d'autres pays du Tiers Monde, une approche de l'éducation des adultes connue sous le nom de "conscientisation" ou de "pédagogie des opprimés" (titre de l'un de ses ouvrages, traduit en français et récemment réédité).

  • Il a travaillé comme enseignant, consultant dans des organisations internationales, dont le Conseil Oecuménique des Eglises et l'UNESCO et, à partir de 1989, comme responsable de l'éducation à la mairie de Sao Paulo. Il a donné de nombreux cours et conférences dans des universités, en Europe, en Amérique du Nord et dans le Tiers Monde, jusqu'à sa mort en 1997.

  • Ses travaux ont exercé une grande influence dans de nombreux pays, y compris aux Etats Unis et en Europe, sur les milieux qui se sont occupés de lutte contre l'analphabétisme et plus largement d'éducation populaire, notamment au cours des années 70. Dans la période suivante, au cours des années 80 et 90, cet auteur a été quelque peu oublié, du moins en France, et ses livres traduits dans notre langue sont restés longtemps introuvables. Son oeuvre semble retrouver depuis sa mort une certaine audience : des rééditions, des travaux sur sa vie et ses idées, des colloques récents en témoignent.

  • L'objet de cette communication sera d'une part de rappeler qui fut P. Freire et quelles sont les idées qu'il a défendues : le projet d'une "pédagogie" émancipatrice ou libératrice que l'on a pu qualifier d'utopique, mais en même temps : une méthode qui a été mise en pratique à grande échelle et qui a été jugée suffisamment efficace pour lui valoir quelques ennuis avec les dictatures, une assez grande notoriété internationale et quelques récompenses officielles. Ces idées seront resituées dans la période où elles ont été élaborées, mises en relation avec leurs sources philosophiques ; j'interrogerai aussi la signification qu'elles peuvent avoir aujourd'hui.

  • Enfin,je défendrai le point de vue qu'il y a dans l'oeuvre de P. Freire quelquechose qui permet de sortir du cercle aporétique dans lequel me semble enfermée la problématique du colloque : entre utopie, idéologie et consensus éducatif. Cette percée a pour condition d'oser sortir du paradigme de l'éducation, fut-elle populaire, pour entrer dans celui d'une formation (Bildung) pensée comme projet et comme praxis transformatrice de soi et du monde.


1. La vie et l'oeuvre de Paulo Freire

Né en 1921 à Recife, dans le Nord-Est du Brésil, l'une des régions les plus pauvres du pays, il étudie le droit et la philosophie, avant de s'intéresser aux questions du langage et de l'éducation. Il est influencé par la phénoménologie et l'existentialisme, mais il s'inspirera surtout du personnalisme chrétien et d'un marxisme humaniste et critique.

1A. L'élaboration d'une méthode et d'une philosophie :
la pédagogie des opprimés

Il commence à travailler pour des services sociaux, puis à l'Université de Recife où il enseigne l'histoire et la philosophie de l'éducation. Au début des années soixante il participe à la fondation de mouvements d'éducation populaire, prônant le développement d'activités d'alphabétisation et d'éducation de base pour les adultes, dont beaucoup sont analphabètes, dans les villes et les campagnes de sa région. Il crée à l'Université un "service d'extension culturelle" qui vise à élargir l'accès des adultes aux connaissances et à la culture. Il est l'un des animateurs de la campagne "les pieds nus apprennent aussi à lire", à Natal, une autre ville du Nord-Est brésilien. C'est dans de contexte qu'il mettra au point sa méthode d'alphabétisation et commencera à former des animateurs qui appliqueront celle-ci à une plus large échelle.

En 1963, le Ministère de l'Education et de la Culture du gouvernement populiste de J. Goulart lui demande de coordonner un programme national d'alphabétisation et la méthode Paulo Freire se diffuse dans tout le pays où des milliers de "cercles de culture" accueillent des adultes qui apprennent à lire et à écrire. Mais l'année suivante, un coup d'état militaire met fin à cette expérience et P. Freire doit s'exiler au Chili, après avoir été emprisonné pendant deux mois par la dictature.

1.B L'exil et la diffusion des idées de P. Freire dans le monde (1964-1980)

Pendant cinq ans (1964-1969), il travaille dans le service chargé de la Réforme Agraire, sous le gouvernement démocrate chrétien d'E.Frei. Sa méthode d'alphabétisation et de "conscientisation" bénéficie à des milliers de paysans pauvres du Chili. En 1967, il publie un premier livre : L'éducation : pratique de la liberté .
Il commence à travailler comme conseiller à l'UNESCO en 1968 et publie, l'année suivante, son deuxième livre : "Pédagogie des opprimés" qui sera très largement diffusé et traduit en plusieurs langues (en anglais, dès 1970 et en français en 1974).

Durant l'année 1969, il enseigne dix mois à l'université de Harvard, aux Etats-Unis, où ses idées et ses méthodes influenceront de nombreux militants de l'éducation populaire travaillant auprès des minorités et des populations défavorisées.

De 1970 à 1980, il travaille à Genève pour le Conseil Oecuménique des Eglises, où il anime notamment l'Institut d'Action Culturelle (IDAC). A partir de 1974, il réalise également des missions en Afrique, dans les pays auxquels le nouveau régime portugais issu de la Révolution des Oeillets vient d'acccorder l'indépendance (Angola, Mozambique, Guinée Bissau...) et au Nicaragua. L'un de ses livres rend compte de ces tentatives d'application en Afrique de sa méthode d'alphabétisation.

Au cours de cette période il fait des conférences et anime des séminaires, aussi bien dans le Tiers Monde qu'aux Etats-Unis ou en Europe, notamment à l'Institut Oecuménique pour le Développement des Peuples (INODEP) à Paris. De très nombreux mouvements et associations qui travaillent dans le domaine de l'alphabétisation utilisent sa méthode et mettent ses idées en pratique.

1C. Le retour au Brésil (1980-1997)

En 1980, P. Freire rentre au Brésil et jusqu'en 1989 il enseigne dans plusieurs universités, notamment à l'Université Catholique de Sao Paulo. En 1989, il est nommé Secrétaire à l'Education à la mairie de Sao Paulo après la victoire du Parti des Travailleurs aux élections municipales.

Au cours des années 1990, il publie plusieurs ouvrages, notamment "Education dans la ville" , puis " Pedagogia da esperança " (1992) et enfin " Pedagogia da autonomia : saberes necessarios a pratica educativa" qui parait au Brésil en 1997, peu de temps avant sa mort.

Son action et son oeuvre ont été récompensées de son vivant par de nombreux hommages : reçu docteur honoris causa de plusieurs universités prestigieuses, il a également été honoré de plusieurs prix, dont le prix de l'éducation pour la paix (UNESCO), en 1986. Aujourd'hui, l'Institut Paulo Freire de Sao Paulo, créé en 1991, continue à animer une réflexion, des travaux de recherche et des débats autour de son oeuvre. C'est également le cas de nombreux enseignants-chercheurs, en Amérique Latine, en Amérique du Nord, en Europe et ailleurs dans le monde. Plusieurs d'entre eux organisent un colloque en deux parties, la première a eu lieu à Recife début mai et la seconde est prévue en septembre au siège de l'UNESCO, à Paris.


2. Principes et concepts de sa pédagogie de la libération des groupes dominés

L'approche de Freire repose sur l'idée qu'on ne peut séparer la formation (par exemple l'apprentissage de la lecture et de l'écriture) de la prise de conscience sociale et politique de sa condition, et d'une action pour transformer celle-ci. L'éducation est définie comme "pratique de la liberté", c'est à dire à la fois acte de connaissance (compréhension de la réalité et analyse critique) et action des hommes pour changer le monde (praxis).

2A. La conscientisation : de la conscience colonisée à la conscience critique

La colonisation espagnole et portugaise en Amérique Latine a marqué profondément la société : les populations indigènes ont été écrasées par la force militaire des colonisateurs, souvent même massacrées, et les survivants de la conquête ont été réduits à un état de domination économique et culturel que l'on peut qualifier d'oppression. Les grands propriétaires ont accaparé les terres et les richesses, réduisant le reste de la population à la misère. Il faut ajouter à cela la traite des esclaves qui s'est étalée du seizième à la fin du dix-huitième siècle et a "importé" plusieurs millions d'africains, et les divers métissages ethniques, culturels et religieux qui s'en sont suivis.

A long terme, cette domination a produit, chez ceux qui l'ont subie, une conscience colonisée. Qu'ils soient restés dans les zones rurales, ou qu'ils aient rejoint les favellas à la périphérie des villes, ces groupes dominés ont développé une vision du monde figée, faite de résignation, d'ambivalence à l'égard des oppresseurs et de leur culture et d'auto-dépréciation (résultat de l'intériorisation du jugement porté sur eux par les groupes dominants). Dans cette "culture du silence" (qui n'exclut pas la résistance clandestine de mythes, de croyances et de cultes anciens, plus ou moins mêlés à ceux de la religion catholique, seule apparente au grand jour) les propriétaires blancs sont perçus comme invulnérables et les idées de révolte contre ceux qui représentent l'autorité ne va pas sans une forte culpabilité.

Selon P. Freire, la prise de conscience passe par une étape de conscience naïve dans laquelle les problèmes vécus sont encore partiellement compris, dans leurs causes immédiates, et qui n'est pas exempte de nostalgie pour le passé et de sous-estimation de ses propres capacités. La vision du monde reste simpliste, l'attitude grégaire ou polémique, marquée par les intérêts particuliers, plutôt qu'orientée vers l'analyse, la recherche des causes profondes, le dialogue constructif et l'intérêt général. Dépasser cette conscience naïve est un travail de longue haleine, voire un tâche permanente, jamais tout à fait achevée.

Le stade ultime de la conscientisation est celui de la conscience critique : il se caractérise par la capacité à analyser les problèmes en profondeur et dans leur complexité, à confronter son point de vue à celui des autres, à dépasser ses préjugés, comme le racisme et le sexisme et à accepter de les remettre en cause dans le dialogue. Il suppose aussi d'acquérir une confiance dans ses propres forces et dans la capacité des hommes et des femmes à agir, à transformer la réalité socio-économique et les conditions concrètes de vie de sa communauté, tout ce que résume le terme anglais "empowerment", à l'opposé de l'impuissance et de l'aliénation.

2B. De l'éducation bancaire à l'éducation libératrice

Comment aider les adultes appartenant aux groupes dominés, souvent analphabètes ou peu instruits à développer peu à peu cette conscience critique ? P. Freire s'appuie dans ce domaine sur une critique des méthodes traditionnelles d'enseignement, qu'il nomme "éducation bancaire". En effet, dans cette dernière l'enseignant tient un discours donnant de la réalité une vision statique et abstraite et tente de transmettre ce contenu à des auditeurs passifs, comme s'il effectuait un don ou un dépôt de connaissances mortes qui n'auraient qu'à s'accumuler dans leur esprit, comme l'argent sur un compte en banque. Selon cette conception, c'est l'enseignant qui sait, qui pense, qui choisit les contenus, qui parle, qui commande et discipline, bref qui éduque les autres. Il s'identifie à l'autorité du savoir qu'il véhicule, lequel est issu de la tradition et de la culture livresque, non d'une expérience vécue. Il transmet les valeurs et les préjugés de la culture dominante.

A l'opposé de cette conception, Freire propose une démarche d'éducation critique, liée à l'action collective et à la praxis transformatrice du monde. Cette conception peut se résumer par quelques formules, comme celle-ci : "personne n'éduque autrui, personne ne s'éduque tout seul, les hommes s'éduquent ensemble par l'intermédiaire du monde".

De ces principes, il tire une méthode de lutte contre l'analphabétisme et la soumission des groupes dominés. Elle consiste à identifier un ensemble de mots-clés dans le vocabulaire utilisé pour parler des conditions de vie et de l'environnement de ceux qui sont concernés, puis à mener à la fois une action sur cette réalité et un travail d'apprentissage de la lecture et de l'écriture à partir de ces mots, de leur décomposition en syllabes, de la recomposition d'autres mots, en utilisant les mêmes syllabes, les mêmes lettres. Ce travail est réalisé, avec l'aide d'animateurs, dans des "cercles de culture", regroupant des adultes appartenant à la même communauté (quartier, village).

La prise de conscience de l'oppression qu'ils subissent, l'organisation de l'action contre cette oppression et l'apprentissage se font ensemble, à travers le dialogue avec les animateurs et le grouupe. Il s'agit d'acquérir à la fois des connaissances et une vision dialectique et critique de la réalité, une prise de conscience des racines subjectives et objectives de l'oppression et les moyens d'agir sur celle-ci.

2C. Le dialogue et le rôle des animateurs

P. Freire insiste sur l'importance du dialogue ("rencontre des hommes pour apprendre à agir ensemble"), des échanges de paroles authentiques ("exister humainement c'est dire le monde pour le transformer"), et sur la lutte contre l'invasion culturelle, à laquelle il oppose le respect de la diversité des cultures, pouvant aboutir à des synthèses culturelles, qui sont de l'ordre du métissage, et non de la simple assimilation par la culture dominante.

Cette pédagogie du dialogue suppose de la part de l'animateur, de l'enseignant ou du formateur une attitude et une conception de la formation sur laquelle P. Freire revient en détails dans son dernier ouvrage. L'attitude est celle de respect et d'écoute à l'égard des élèves ou des adultes en formation et de leur vision du monde (un vrai dialogue ne peut s'instaurer qu'à cette condition. Mais c'est aussi un engagement personnel, une authenticité (la cohérence entre ce qu'on dit et ce qu'on fait) et un optimisme, qu'il nomme aussi espoir, quant aux capacités de tous à comprendre et à apprendre et quant à la possibilité d'agir collectivement pour transformer la réalité sociale, pour construire un monde plus juste, des hommes et des femmes plus libres, plus autonomes, c'est à dire moins dépendants des forces économiques, sociales et culturelles qui les ont jusqu'ici dominés.

Le rôle de l'enseignant ou du formateur est aussi de veiller à ce que ce respect et cette écoute soient mutuels à l'intérieur du groupe ou de la classe, ce qui suppose notamment le refus de toute discrimination.

La conception de l'éducation que propose P. Freire est "constructiviste" au sens où elle se construit dans l'action et l'interaction avec autrui ; elle est permanente (on n'a jamais fini d'apprendre) ; elle repose sur le processus de développement d'une conscience critique, sur le dépassement des formes aliénées de conscience (pensée magique, conscience colonisée ou naïve) et des préjugés.

Former des enseignants ou des formateurs "freiriens", c'est donc à la fois les aider à acquérir une conception juste de l'enseignement ou de la formation, une éthique personnelle et professionnelle, un engagement dans une praxis libératrice, notamment en faveur de ceux qui en ont le plus besoin : ceux qui jusqu'ici ont peu bénéficié du système éducatif dominant, ceux qui en ont été exclus ou y ont échoué.

3. Ni utopie, ni idéologie, ni consensus

Cette conception de l'éducation et de la formation est-elle utopique ? Je ne le crois pas, car P. Freire ne propose pas la vision d'une société idéale dans laquelle tous les conflits seraient résolus : il propose une méthode, fondée sur une philosophie. Une méthode réaliste : elle a montré son efficacité, notamment dans le domaine de l'alphabétisation et de l'éducation de base des adultes, dans des contextes aussi différents que les favellas du Nordeste brésilien, les campagnes chiliennes, les populations défavorisées des quartiers pauvres d'Amérique du Nord ou de nos banlieues.

Si P. Freire et ceux qui se réclament de ses idées sont clairement engagés dans une action sociale et politique de transformation sociale que l'ont peut qualifier de progressiste (voire de révolutionnaire, du moins dans ses premières formulations des années soixante et soixante-dix), peut-on qualifier leur approche d'idéologique ? Je ne le crois pas non plus, si l'on définit l'idéologie comme une vision déformée de la réalité, conforme aux intérêts d'un groupe social et qui vise à maintenir en l'état cette réalité. C'est même, selon moi, le contraire d'une idéologie, puisque cette conception de l'éducation vise à développer la conscience critique et l'action rationnelle et concertée sur la réalité concrète et sur les conditions de vie des membres de la communauté à qui elle s'adresse. Bref, elle vise à développer une praxis, au sens d'une action collective éclairée par un savoir effectif ; au sens aussi où elle vise les autres "comme êtres autonomes, considérés comme les agents de leur propre autonomie" (ibidem).

Au premier abord, un projet ainsi formulé peut sembler paradoxal, comme toute "éducation à l'autonomie", mais à y regarder de plus près, il me semble pouvoir échapper à l'injonction paradoxale - "sois autonome" ! Car ce projet n'est n'a rien d'une injonction : il n'y a nul impératif, nulle décision a priori, autoritaire (fondée sur l'autorité déléguée par un pouvoir), dans la proposition d'une telle pédagogie de la libération. Elle ne fonctionne que sur la base d'une adhésion librement choisie par ceux qui s'y inscrivent, éducateurs ou "éduqués".

Mais on pourrait franchir un pas supplémentaire et dire que les termes même d'éducateur et d'éducation devraient être remis en cause. L'animateur d'un cercle de culture n'a pas un statut supérieur aux adultes qui y participent. Comme le "maître ignorant" , il n'est pas le dépositaire d'un savoir préalable, ni des normes et des valeurs d'un groupe ou d'une société déjà là ; il n'est pas le représentant d'un institué : il n'est pas un instituteur. Il met sa méthode et son éthique au service de l'émancipation d'un collectif. Celle-ci passe par l'acquisition de connaissances et de capacités (lire, écrire, analyser une situation, en comprendre les causes, poser les problèmes dans leur complexité, inventer les moyens d'agir pour transformer la réalité). Pour faciliter leur acquisition, il propose une méthode dont les seuls présupposés normatifs renvoient aux conditions d'un dialogue constructif et d'une action rationnelle.

Ce faisant, ne peut-on considérer que l'on sort du "paradigme de l'éducation"... pour entrer peut être dans celui de la formation. A condition de définir celle-ci dans son sens le plus large, celui qui correspond au terme allemand "Bildung" et non pas dans son sens étroit et techniciste, correspondant à l'anglais "training", qui signifie aussi entraînement et suppose un entraîneur et une liste préétablie de capacités (skills), qui se traduisent dans des performances.

Cela suppose aussi de ne pas oublier que le verbe former se construit de deux façons: de manière transitive, le formateur étant alors le sujet d'une action dont les "formés" sont les objets, mais aussi de manière réflexive - se former - la formation étant alors conçue comme un processus dont chaque personne en formation est à la fois le sujet et l'objet. C'est un travail sur soi, qui passe par l'action (sur le monde) et par l'interaction, la rencontre et le dialogue avec les autres. La formation ainsi conçue n'est ni une utopie, ni une idéologie ; elle ne prétend pas non plus au consensus, car elle va se heurter inévitablement à des forces contraires. C'est un projet qui se fonde sur un imaginaire social radical et c'est une lutte - avant tout contre soi-même et contre l'oppresseur qui est dans l'opprimé... et dans le formateur.

Un projet de ce type me semble pouvoir illustrer une troisième fonction de l'imaginaire social ; ni préserver une identité sociale figée, ni fuir dans une identité mythique, mais mettre l'identité en chantier par la confrontation aux réalités, aux contradictions sociales, au temps et à l'altérité.

Notes bibliographiques (manquent)





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