Bernard Stiegler

• Quelques citations extraites de : « Économie de l’hypermatériel et psychopouvoir », Entretiens avec Philippe Petit et Vincent Bontemps, Mille et une nuits, 2008 (1)

Toutes les civilisations sont des manières de capter ce que Freud appelait l’énergie libidinale pour la détourner des objets sexuels afin qu’elle se fixe sur des objets sociaux… (p. 19)

Une civilisation est un processus de sublimation (p.20)

Le capitalisme a soumis tous les objets du désir au calcul, c’est à dire à la désingularisation, ce que l’on peut appeler, avec Max Weber et Marcel Gauchet, le désenchantement (p.24)

(Cette économie libidinale capitaliste) détruit toutes les consistances - et avec elles les existences et les motifs d’exister (…) Une existence humaine se construit en se projetant vers des objets de consistance, c’est à dire de sublimation (…) faute de quoi ce n’est plus une existence, mais une pure subsistance. (p.24)

La mémoire suppose toujours les techniques de mémorisation… Ni la mémoire sociale, ni la mémoire individuelle ne sont simplement dans les cerveaux des gens : elles sont dans les artefacts, et dans les relations que les corps et les esprits nouent entre ces artefacts, et à travers ceux-ci, entre eux-mêmes. (p. 26).

Les hypomnémata sont les objets engendrés par l’hypomnésis, c’est à dire par l’artificialisation et l’extériorisation technique de la mémoire. (p.26).

Tous les êtres vivants sexués sont constitués par deux mémoires : la mémoire de l’espèce, génétique, et la mémoire nerveuse, individuelle. Or, les êtres humains (…) ont une troisième mémoire, et c’est elle qui constitue la possibilité de ce qu’on appelle la culture et l’esprit. (p. 30)

L’hypomnèse … ainsi généralisée à la technique… (comme) troisième mémoire constitutive de l’humanité (p.29)

L’être humain, en tant qu’il est technique, se dote d’organes amovibles (les objets techniques)… (Leroi-Gouhan) (p. 31)

Cette amovibilité des objets techniques est ce qui induit aussi une amovibilité des objets du désir. (p.31)

Je pense qu’il y a des « moyens de production » de cette économie libidinale et que ces « moyens » sont techniques, c’est à dire aussi pharmacologiques : essentiellement ambivalents, à la fois remèdes et poison, comme le dit Platon de l’hypomnésis. (p.31)

(1) Du même auteur : "Réenchanter le monde", Flammarion, 2006 et "Prendre soin de la jeunesse et des générations", Flammarion, 2008.

Pour en savoir plus sur les idées de Bernard Stiegler, des textes et des vidéos sur les sites :

http://arsindustrialis.org/
http://www.pharmakon.fr/

et aussi sur :

http://www.christian-faure.net

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