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Une étude sur la VAE en France


Extrait de : La Validation des Acquis de l’Expérience dans les métiers du travail social,
  • C. Thouvenot (Coord.), L’Harmattan, 2008



Après avoir rappelé le contexte juridique et institutionnel, mais aussi le cadre plus large de changements socio-économiques de longue durée dans lequel cette mesure doit être resituée, ce texte présente la problématique et les premiers résultats d'une étude sur la VAE dans les métiers du travail social.


1 Le cadre juridique et le contexte de la mise en œuvre de la validation des acquis en France

Le contexte juridique et institutionnel concerne l'évolution du droit à la reconnaissance et à la validation des acquis en France, dont il faut rappeler brièvement les étapes. Depuis 1985 les adultes qui souhaitent reprendre des études supérieures peuvent faire valider les acquis de leur expérience et être autorisés à s'inscrire dans des formations universitaires sans être titulaires des diplômes normalement requis. Cette procédure de validation des acquis a été inégalement appliquée selon les établissements et selon les disciplines. Les sciences humaines et sociales, et notamment les sciences de l'éducation ont souvent rendu possible par cette voie l'accès de nombreux adultes (relevant des métiers de l'enseignement, de la formation, du travail social,...) à des formations de second et de troisième cycle (licences et masters).

A partir de 1992, la validation des acquis professionnels (VAP) a permis non seulement l'accès à des formations conduisant à des diplômes professionnels, de tous niveaux, mais également la possibilité de dispense d'une partie des épreuves pour ceux dont les jurys reconnaissaient qu'ils avaient acquis, à travers leur expérience professionnelle, des connaissances et des capacités jugées équivalentes à celles validées par ces épreuves.

Enfin, la mise en application des dispositions de la loi de janvier 2002 concernant la validation des acquis de l'expérience (VAE) a marqué une nouvelle étape dans le droit à la reconnaissance des acquis, puisqu'il est désormais possible de demander la validation d'un diplôme complet et que l'ensemble des acquis de l'expérience (professionnelle, bénévole ou autre) peuvent être pris en compte. Il suffit que cette expérience soit au moins de trois ans et que les aptitudes et compétences acquises soient en relation directe avec le contenu du diplôme visé, pour que le candidat ait la possibilité de déposer une demande de VAE. Il devra constituer un dossier détaillant les activités qu’il a exercées et les connaissances et compétences et qu’il pense avoir acquises. Ce dossier sera examiné par un jury composé de professionnels et d’enseignants appartenant à l’institution délivrant le diplôme. Le candidat sera également reçu en entretien et le jury pourra décider de lui délivrer tout ou partie du diplôme ou du certificat en question et/ou préconiser une reprise d’études pour suivre un complément de formation.

La mise en oeuvre progressive, quoique toujours inégale, des textes antérieurs et surtout les nouvelles opportunités offertes par la loi de 2002 ont entraîné un accroissement du nombre des demandes de validation des acquis qui s'est encore accéléré ces derniers mois. Nous considérons que ce phénomène est révélateur d'une tendance à long terme dans le cadre de laquelle il doit être resitué : l'augmentation de la demande d'éducation et de qualification qui est liée à des facteurs économiques et culturels de longue durée.

D'une part, le niveau de qualification requis pour occuper la grande majorité des emplois aujourd'hui offerts s'est élevé de façon très significative, en raison de l'évolution des techniques et de l'organisation du travail et de transformations profondes dans les caractéristiques des produits et des services aujourd'hui mis sur le marché. De plus, la possibilité d'occuper des fonctions d'encadrement ou simplement d'évoluer dans sa profession est très souvent liée à la possession de diplômes ou de titres. C'est d'ailleurs une caractéristique particulièrement marquée dans notre pays, plus que dans d'autres pays européens.

D'autre part, l'allongement de la durée des études et le développement des activités de formation continue sont deux traits marquants des trente dernières années, révélateurs d’une progression de la demande d'éducation et de formation.

Elévation de la demande de qualification de la part des employeurs, d'une part, accroissement de la demande d'éducation et de formation, d'autre part, ces deux phénomènes, bien évidemment liés entre eux, constituent deux aspects fondamentaux de ce que d'aucuns nomment la "société de la connaissance".

Pour analyser les effets de la mise en œuvre progressive de ce droit à la validation des acquis, nous avons conçu et commencé à réaliser un projet de recherche.

  • Problématique et résultats de nos recherches sur la VAE

2. Problématique :


Nos travaux de recherche sur ce thème partent d’un constat empirique : la loi de janvier 2002 et ses décrets d’application élargissant le droit à la validation des acquis induisent une forte demande de reconnaissance des savoirs et des compétences issus de l’expérience et une demande accrue d’entrée dans des dispositifs de formation, qu’ils soient proposés par les écoles professionnelles ou par les universités. Ces textes instaurent une nouvelle voie d’accès à la qualification et aux diplômes, qui agit en retour sur les voies existantes : les dispositifs et filières de formation.

En réponse à ces demandes et pour appliquer ces textes, des procédures et des pratiques se mettent en place. Mais l’expérience de la mise en oeuvre des textes antérieurs de 1985 (pour l’enseignement supérieur) et 1992 (sur la validation des acquis professionnels) a montré que des difficultés et des résistances se manifestent, dont l’analyse n’a été que très partiellement conduite, malgré l’existence de travaux décrivant et parfois tentant d’évaluer les pratiques en vigueur (Meyer et Berger 1988, Feutrie 2003). Par ailleurs les inégalités d’accès à la formation continue et ses principaux facteurs sont bien connus, mais les propositions de politiques susceptibles d’agir réellement pour les réduire ont été plutôt rares et sont loin d’avoir fait la preuve de leur efficacité. Le développement de la VAE peut-il y contribuer ?

Au moment où les nouvelles procédures de VAE se mettent en place, il nous a semblé opportun d’en examiner les effets sur la demande de formation et de qualification, sur les stratégies, les parcours et les obstacles rencontrés par ceux qui s’y risquent. Ces effets seront sans doute limités et progressifs dans une première période, mais leurs enjeux sont très importants en termes de droit pour les salariés (plus grande ouverture et meilleure équité dans l’accès à la qualification et les possibilités d’évolution professionnelle) et par la modification qu’ils supposent dans le système français de formation et d’attribution des diplômes, ainsi que dans le poids respectif des savoirs d’expérience et des savoirs enseignés.


Nous sommes partis d’un ensemble de questions et d’hypothèses concernant les effets de la mise en oeuvre de procédures de VAE sur la demande de formation professionnelle et l’accès à la qualification. Nous distinguons trois grandes catégories d’effets correspondant aux trois volets de notre recherche : selon qu’ils portent sur la demande de formation elle-même et sur les stratégies de professionnalisation et de qualification des demandeurs individuels (premier volet), sur les stratégies de gestion des emplois et des carrières des employeurs et enfin sur la conception de l’offre de formation professionnelle. Nous nous limiterons ici à évoquer le premier volet de la recherche, celui qui concerne les effets de la VAE sur la demande de formation et l’accès à la qualification.
Dans ce domaine, nous pensons que la mise en oeuvre de la VAE devrait élargir l’accès à la formation professionnelle (FP) et à la qualification, dans la mesure où l’inscription dans des filières de formation qualifiante sera facilitée et les cursus de formation raccourcis, notamment pour les salariés et demandeurs d’emploi expérimentés, mais peu ou pas diplômés qui bénéficieront de la VAE. Cet accès facilité à la FP et à la qualification pourrait entraîner une diminution des inégalités dans ce domaine. Toutefois, le développement quantitatif de la demande de formation n’entraînera pas automatiquement une amélioration de l’équité dans ce domaine. En effet, de même qu’en formation initiale, la massification de l’accès aux études ne s’est pas traduite par une réelle démocratisation (de fortes inégalités demeurent, en fonction de l’origine sociale, dans la réussite des études, comme dans le type d’établissement fréquenté et la nature des diplômes obtenus), de même le développement de la formation continue depuis le début des années 1970, n’a pas tenu les promesses de la « seconde chance ». En effet, il reste marqué par des inégalités importantes : il a surtout bénéficié aux salariés les plus qualifiés des grandes entreprises, avec des différences importantes selon les secteurs d’activité.

Comment la VAE vient interférer avec ces mécanismes de reproduction des inégalités d’accès à la formation ? Peut-elle en remettre en cause la logique, dans quelle mesure et à quelles conditions ? L’analyse détaillée des caractéristiques des demandeurs de VAE, de leurs stratégies et de leurs parcours, ainsi que des échecs et des refus de validation permet-elle de comprendre certains facteurs de réduction ou de reproduction de ces inégalités ?

L’observation du fonctionnement des dispositifs mis en oeuvre et des effets produits permet de commencer à répondre à ces questions. Elle est complétée par des entretiens approfondis auprès des différents acteurs concernés (demandeurs et bénéficiaires, accompagnateurs et conseillers, organismes de formation, employeurs, personnes en charge de la gestion du personnel et de la formation, …) afin d’explorer les facteurs et les mécanismes en cause. Parmi ceux-ci : comment les salariés vont-ils saisir cette nouvelle opportunité, consistant à transformer les compétences acquises dans les situations de travail en qualification reconnue ? Vont-ils y voir une potentialité pour construire de nouvelles trajectoires professionnelles ? Transformer ses compétences en qualification supposera un nouveau type d’exigences : passer de la capacité à faire en situation à la capacité à énoncer et à situer par rapport à un référentiel les connaissances et compétences acquises. Cette exigence ne sera-t-elle pas un obstacle difficile à franchir pour certains, surtout si l’on considère l’existence de compétences tacites ? Plus nettement encore que la démarche de demander une formation, la constitution d’un dossier de VAE implique un travail sur soi, sur son activité et ses capacités et renvoie à l’individu la responsabilité de son évolution professionnelle. Quelles catégories de salariés se montreront capables de cette réflexivité et de cet engagement ? Les inégalités dues au cursus de formation initiale et à la qualification déjà acquise, à la taille et au type d’entreprise, au sexe et à l’âge joueront-elles de la même façon que dans l’accès à la FPC ? Quels dispositifs de soutien et d’accompagnement permettront d’en amoindrir les effets ? Cela constitue un ensemble de questions autour de l’accès à la formation et à la qualification auxquelles notre étude commence à apporter des éléments de réponse.


Afin de restreindre l’ampleur des données à recueillir et à analyser nous avons choisi, dans un premier temps, de limiter notre champ d’investigation à un secteur d’activité : celui de l’éducation spécialisée. La composition de notre équipe, nos travaux antérieurs et le partenariat mis en place avec l’Institut Régional du Travail Social nous donnent à la fois des facilités d’accès aux informations et une bonne connaissance du contexte et des acteurs en présence.

Mais notre objectif est aussi de tester une méthodologie et des hypothèses qui pourront ultérieurement être appliquées à d’autres champs et confrontées à d’autres approches, afin de constituer progressivement un domaine de recherche nouveau. Ce projet s’intègre en effet dans un programme de recherche à moyen terme, dont les étapes suivantes consistent d’une part à élargir la recherche à d’autres métiers du travail social, de l’éducation et de la santé ; d’autre part à suivre sur cinq ans les parcours de formation et les trajectoires professionnelles d’un échantillon de personnes ayant bénéficié de la VAE.

3. Premiers résultats et discussion :

Parmi les premiers résultats des travaux de recherche que nous conduisons ou dirigeons concernant les effets de la VAE, nous insisterons tout d’abord sur l’importance de la demande de reconnaissance et, lorsque cette reconnaissance attendue est perçue comme insuffisante ou absente, sur le sentiment de dévalorisation, pouvant aller jusqu’à une véritable souffrance (Dejours 2000, Muepu 2005). Cette demande de reconnaissance est souvent liée à une attente de promotion professionnelle, de progression de carrière. L’obtention d’un diplôme supérieur, soit directement par la VAE, soit après un complément de formation, à travers un cursus nettement plus court et d’accès plus facile, grâce à des validations partielles, est aussi un enjeu important. Mais plus largement, les effets d’une VAE pour ceux qui en bénéficient concernent essentiellement l’estime de soi (une image de soi revalorisée) et l’estime sociale et professionnelle, c’est à dire le développement d’une identité personnelle et professionnelle renforcée, par la reconnaissance sociale que procure la VAE.
Pour la plupart des personnes interrogées, le passage par la VAE leur a permis de sortir d’une situation professionnelle vécue comme insatisfaisante, voire d’une souffrance au travail, avec parfois un sentiment de réparation lié à des échecs antérieurs (échecs scolaires ou professionnels) ayant entraîné des blessures narcissiques profondes. Lorsque les conditions favorables sont réunies, en particulier par la qualité de la préparation et de l’accompagnement de la démarche de VAE ainsi que par la qualité et la pertinence des procédures d’examen et des décisions des jurys, la VAE peut jouer ce rôle de restauration de l’image de soi, de restructuration identitaire et de développement personnel.


En conclusion, quelles leçons pouvons-nous tirer des premiers résultats de ces études en matière de stratégie pour l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie, dans les domaines du travail, de la vie sociale et de l’intégration dans la communauté, en particulier pour les personnes menacées par le risque d’exclusion sociale ?

Il faut avant tout garder à l’esprit qu’il existe chez beaucoup de ces personnes un besoin de restauration de leur confiance dans leur propre capacité à apprendre. Ce manque de confiance, ce sentiment d’incapacité, est la principale cause de leur attitude, souvent réservée à l’égard de la formation, que certains qualifient de manque d’appétence ou de motivation à se former.

Il ne suffit donc pas d’affirmer la nécessité pour chacun de se former tout au long de la vie. Cette injonction à se former peut même dans certains cas aggraver un processus d’exclusion au lieu de contribuer à le réduire. En effet elle constitue pour certains groupes une sorte d’injonction paradoxale : elle prescrit une action qu’ils n’ont pas la capacité d’accomplir et les rend responsables d’un échec annoncé. La notion de « capabilité » telle que l’a définie A. Sen doit être ici évoquée et les limites d’une approche purement libérale, en termes de marché, apparaissent clairement. Il ne suffit pas qu’une offre de formation existe, ni même que des incitations soient faites, pour que ceux qui en auraient le plus besoin en bénéficient effectivement.

Les solutions qui permettent de sortir de cette spirale de la dévalorisation et de l’exclusion sociales sont sans doute à rechercher à travers des dispositifs qui consistent à proposer une activité socialement utile, dans laquelle la personne commencera à restaurer une estime de soi grâce à l’accompagnement et au regard positif des autres sur le produit de cette activité. Des apprentissages informels seront aussi acquis à l’occasion de cette activité et, si ces apprentissages sont reconnus et validés, la confiance dans sa capacité à apprendre pourra ainsi être progressivement restaurée. Une image positive de soi et une dignité retrouvée sont les conditions pour accéder à une intégration sociale et à une citoyenneté active. Leur absence ne peut que conduire au retrait, à la marginalisation, voire à des comportements destructeurs, qu’ils soient dirigés contre soi-même ou contre les autres.

Voir la bibliographie du texte Reconnaissance




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