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Quel modèle de la compétence ?


  • Éléments pour l’élaboration du champ conceptuel
sous-jacent à la construction et à la validation des compétences.
(contribution à un symposium du colloque du CERFEE Montpellier septembre 2007)

Ma contribution vise tout d’abord à interroger l’idée qu’il y aurait un modèle de la compétence, alors qu’il me semble plutôt pertinent d’examiner cette notion et les usages divers qui en sont faits dans les milieux de la formation professionnelle en considérant qu’une clarification conceptuelle passe par la distinction de plusieurs modèles sous-jacents.
Je rappellerai tout d’abord quelques éléments de définition de la notion de compétence : quels sont les aspects ou les attributs qui semblent faire l’objet d’un relatif consensus et ceux sur lesquels des divergences apparaissent et des critiques sont formulées ?
L’analyse des divergences dans l’élaboration de ce champ conceptuel me conduira, dans une deuxième partie, à opposer deux conceptions principales (deux modèles) de la compétence. Le premier est fondé sur le pragmatisme et le behaviorisme ; c’est sans doute le modèle aujourd’hui dominant, justifiant d’ailleurs un ensemble de critiques formulées contre l’approche par les compétences en éducation et en formation. Le second est un modèle socioconstructiviste, moins réducteur parce qu’il tente de rendre compte de la complexité de l’activité en situation de travail, ainsi que de celle des processus d’apprentissage. Mais ce modèle est sans doute encore en cours d’élaboration. Il s’appuie notamment sur les apports de travaux d’ergonomie et de didactique professionnelle : les distinctions entre la tâche (travail prescrit) et l’activité (travail réel), entre le registre épistémique et le registre pragmatique de la connaissance, entre le modèle cognitif et le modèle opératif (Pastré et al. 2006).

Enfin j’évoquerai, dans une dernière partie, quelques difficultés auxquelles on se heurtepour leur évaluation et leur validation.


1. Un premier modèle de la compétence dans l’enseignement et la formation

Je rappellerai tout d’abord l’origine de cette notion. Historiquement elle vient du domaine juridique et s’applique d’abord à une instance judiciaire : tel tribunal est compétent pour juger un certain type de conflits, de délits ou de crimes dans un territoire délimité. Mais dès la fin du 17e siècle, par généralisation, ce terme appliqué à une personne désigne « la capacité due au savoir, à l’expérience » (Rey 1998, p.823). Au milieu du 20e siècle, le linguiste Chomsky lui donnera un sens spécifique en opposant la compétence linguistique à la performance (j’y reviendrai). Et ce n’est que plus récemment, depuis une vingtaine d’années, que l’usage de ce terme s’est très largement répandu dans les champs de l’éducation et de la formation. Parallèlement, cette notion a également connu un succès croissant dans les domaines de la gestion des ressources humaines et de la sociologie du travail. Ces deux courants, bien qu’ils se rattachent à un arrière-plan idéologique commun, doivent être distingués. Et il n’est pas évident, contrairement à ce qui est souvent affirmé, que le courant de la « pédagogie centrée sur les compétences » ait son origine dans le monde professionnel. Tremblay (1990), comme Jonnaert (2002) rappellent que la « competency based education » apparaît aux USA, dès les années 1960 ou le début des années 1970 dans la foulée de la pédagogie par objectifs, donc bien antérieurement à la mode du « modèle de la compétence » dans les entreprises qui se répand à partir de la fin des années 80 (Zarifian 2001).

Dans mon texte de 2005 (voir texte ) je rappelle les principales caractéristiques du courant pédagogique, qui se définit comme fondé sur les compétences.

On connaît la proximité de cette approche avec la pédagogie par objectifs dans sa version behavioriste : objectifs formulés de façon opératoire (« être capable de … + verbes d’action), modalités d’évaluation et de certification correspondant à chaque objectif opératoire, sur la base des performances (comportements observés) dans des situations tests précisément contrôlées.
Il s’agit là d’un premier « modèle de la compétence » dans les discours pédagogiques.

Dans les pays francophones, notamment en Europe, il semble que cette approche se soit d’abord répandue dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue. Elle a en particulier contribué au développement de méthodes et d’outils pour la conception et l’évaluation d’actions ou de dispositifs de formation (découpage de la formation en modules et séquences, chacun centré sur un objectif spécifique, référentiels de compétences …).

Dans ce contexte, c’est évidemment une notion relevant plus des savoirs d’action qu’un concept que l’on pourrait relier à une théorie, car la référence à la théorie de l’apprentissage behavioriste est rarement explicite et les typologies d’objectifs utilisées combinent souvent des apports issus de divers courants, notamment cognitivistes. De ce point de vue, les critiques formulées par Crahay (2006) sont tout à fait justifiées lorsqu’il écrit : « la notion de compétence n’est selon nous pas étayée par une théorie scientifiquement fondée » (p.27) et qu’il remarque que divers courants de psychologie cognitive sont parfois convoqués par ceux qui contribuent à diffuser cette notion, sans qu’ils soient intégrés de façon cohérente. Il cite notamment Perrenoud (1997) et j’avais pour ma part (Hébrard 2005) formulé le même type de critique à propos du livre de Le Boterf « De la compétence ».

D’autres reproches sont souvent faits à la notion de compétence ; ils sont passés en revue par Crahay (2006):
- elle constitue une « contamination de la réflexion pédagogique » par une idéologie dominante utilitariste provenant du monde de l’entreprise (capitaliste) et renforce la « rationalité instrumentale » (voir aussi Bronckart et Dolz 2002),
- elle privilégie l’apprentissage par l’action en situation au détriment des connaissances, des concepts relevant des disciplines (voir aussi Schneider-Gilot (2006) qui s’en prend à la fois à l’approche par compétences dans l’enseignement et surtout à la notion de compétences transversales au nom de la défense des savoirs disciplinaires et des approches didactiques),
- elle peut conduire à mettre les élèves en situation d’échec, dans la mesure elle intègre une « norme de complexité inédite » dans la définition de la compétence visée (n’est réellement compétent que celui qui est capable de faire face à des situations complexes et inédites). Cette dernière critique me parait justifiée, mais elle ne porte que sur les travaux qui adoptent une définition très restrictive de la compétence (Crahay cite surtout des textes concernant la définition de politiques éducatives, en Belgique notamment).

Remarquons que la plupart de ces critiques concernent l’usage de la notion de compétence dans l’enseignement (la formation initiale). D’autres auteurs, dont M. Stroobants (2002) est sans doute l’une des plus représentatives, ont également contesté le modèle de la compétence tel qu’il est utilisé dans le monde du travail. Ils lui reprochent principalement d’être au service d’une stratégie visant à remettre en cause les qualifications et la valeur des diplômes reconnus par des accords collectifs et garantis par l’État et à privilégier, au nom de la flexibilité, une gestion individualisée des salariés. Cette critique n’est pas sans fondement, même si elle vise certaines pratiques de gestion du personnel plus que la notion de compétence elle-même, dont Stroobants (2002 p.62) reconnaît d’ailleurs qu’elle peut contribuer à définir le contenu des qualifications.
Je m’intéresserai ici au contenu et aux usages de la notion de compétences dans le champ de la formation professionnelle. Moyennant une élaboration et une définition plus cohérente de ses attributs et de ses limites, et une prise de distance par rapport à sa version initiale très marquée par le behaviorisme, je considère que l’on peut en construire un concept utile à la pratique et à la réflexion des formateurs.

Mon approche s’appuiera sur les acquis des théories constructivistes de l’apprentissage (Vergnaud), de travaux sur l’évaluation (Allal 2002) et sur la didactique professionnelle (Pastré et al. 2006).


2. Vers un concept de compétence non behavioriste : éléments de définition

Quels sont les éléments communs à la plupart des définitions qui ont été proposées et qui me semblent pouvoir être conservés, dans cette tentative d’élaboration d’un concept de compétence non behavioriste utilisable en formation professionnelle ? Reprenant certains éléments de mon texte de 2005, je mettrai tout d'abord en évidence les traits les plus caractéristiques qui le distinguent d'autres notions comme celles de connaissances, de capacités ou de qualification : l'opérationnalité et la contextualité.

Le premier aspect permettant de caractériser la notion de compétence est en effet l'accent mis sur les savoir-faire, plutôt que sur les connaissances, autrement dit sur la capacité d'un individu à accomplir une tâche, en situation réelle de travail. C'est donc d'abord l'opérationnalité qui me semble définir la compétence. Mais cela suppose que le contexte et la situation dans laquelle ce savoir-faire sera mis en œuvre soient précisément définis. Il s'agit en général d'une situation professionnelle, dont les caractéristiques, sont précisées, l'ensemble des tâches listées. Il peut également s'agir de situations sociales, de la vie quotidienne, notamment dans le cas de formation visant une insertion sociale plutôt qu'une adaptation directe à un emploi. On peut résumer cette idée sous le terme de contextualité.

Les compétences se différencient donc à la fois des connaissances organisées par disciplines académiques qui sont abstraites, théoriques, décontextualisées (Barbier 1996) et des capacités. Ces dernières sont analysables en éléments classés à partir des taxonomies d'objectifs opératoires, alors que les compétences sont plus globales, parce qu'elles sont liées à des activités, des situations ou des classes de situations spécifiques formant un tout significatif, plutôt qu'à des opérations élémentaires.

Ce caractère global ou composite des compétences est donc à retenir dans leur définition : elles combinent et intègrent un ensemble de ressources cognitives (connaissances déclaratives, procédurales…), socio-affectives (attitudes) et parfois d’habiletés perceptivo-gestuelles permettant au sujet qui les a acquises de faire face à une catégorie de situations ou de tâches définies.

La plupart des éléments de définition sur lesquels un certain accord se dégage sont présents également dans cette définition proposée par un groupe de travail réuni récemment par l’AFNOR : « Compétences (individuelles) : capacité éprouvée à mettre en œuvre des connaissances, savoir-faire et comportements en situation d’action, dans un contexte donné ». On retrouve les principaux attributs de la notion de compétence(s): l’opérationnalité (mettre en oeuvre… en situation d’action), la contextualité (dans un contexte donné), le caractère composite (connaissances, savoir-faire, comportements) et enfin la nécessité d’en avoir fait la preuve (éprouvée). D’autres définitions insistent aussi sur la reconnaissance et la validation par un milieu professionnel.

Mais les compétences doivent être distinguées des qualifications, souvent liées à des diplômes, socialement et conventionnellement reconnues et validées, acquises une fois pour toutes ; alors que les compétences sont propres à un individu et à une situation ou une classe de situations professionnelles ou sociales particulières, qu'elles ne sont généralement pas reconnues par des accords collectifs, ni définitivement acquises, qu'il faut sans cesse en faire la preuve et continuer à les développer, pour s'adapter aux évolutions des situations et des contextes de travail. Cette opposition entre compétences et qualifications a souvent fait l'objet de discussions, dans la mesure où elle soulève des enjeux sociaux, voire syndicaux, et idéologiques. Je ne développe ici cet aspect que j’ai traité ailleurs (cf. Hébrard 2005).

Sous plusieurs aspects, ma démarche rejoint celle proposée par Jonnaert (2002) dans son livre « compétences et socioconstructivisme », mais elle s’en distingue également sur plusieurs points, qu’il me semble utile d’expliciter. Mon premier désaccord porte sur l’usage que Jonnaert fait de la notion de virtualité, notamment dans son commentaire de la notion de compétence, opposée à celle de performance, telle qu’elle utilisée en linguistique. Son tableau (p.11) censé résumer ce qui distingue ces deux concepts présente des formules si simplificatrices qu’elles en deviennent contestables. Il affirme, par exemple que la compétence linguistique « fait référence à la parole », alors que la performance « fait référence à la langue » et que la compétence est « de l’ordre du virtuel ». Or il me semble que la compétence est réelle ou actuelle, puisque précisément elle s’actualise dans les performances (les phrases comprises et prononcées par le sujet). La compétence linguistique fait aussi référence à la langue, puisque l’on n’est compétent (ou incompétent) que par rapport aux règles, au lexique, à la sémantique d’une (ou plusieurs) langue(s). Mais cela suppose de prendre quelque distance par rapport à la théorie linguistique de Chomsky, formulée dans les années 1950 et de considérer les apports plus récents des linguistes qui relient et articulent les concepts classiques de langue et de parole avec ceux de compétence et de performance linguistique.

Plus généralement, à propos de l’opposition entre virtuel et réel (ou effectif), Jonnaert me semble confondre deux idées :
1) Celle qui consiste à penser que tout être humain naît avec une capacité potentielle (et qui a un fondement biologique) à parler, c’est-à-dire à acquérir progressivement au cours de son développement une compétence linguistique. Ce qui ne signifie pas que cette compétence soit innée, mais seulement que l’équipement neurologique de tout enfant sain lui en permet l’acquisition, par apprentissage grâce aux interactions avec les adultes (c’est pour cette raison que la définition du terme de compétence qu’a proposée Chomsky n’est pas pertinente dans le champ de la formation et doit être abandonnée).
2) L’idée que la compétence (linguistique ou professionnelle) n’est pas directement observable, qu’elle ne se manifeste qu’à travers les performances, les actions en situation et que le jugement de compétence (ou d’incompétence) suppose donc une inférence, est le résultat d’une induction à partir des performances observées. Ce qui veut pas dire qu’elle est « virtuelle » : elle est réelle, puisqu’elle s’actualise régulièrement dans les activités du sujet.

On retrouve là, me semble-t-il, l’erreur du behaviorisme qui peut se passer de la notion de compétence (seules les performances sont réelles), ou confondre performance et compétence et considérer que cette distinction est superflue. C’est ce que propose finalement Jonnaert (p. 33) qui suggère qu’il suffit de renoncer à la notion de performance pour prendre ses distances avec le behaviorisme.

De plus, l’usage de cette expression de « compétence virtuelle » fait aussi référence (p.39) à la distinction entre les compétences visées (par ex. dans un programme de formation ou un référentiel) et les compétences acquises par un individu (à l’issue d’une action de formation ou par expérience). Elle renvoie aussi à la distinction entre les compétences requises par une tâche (ou un ensemble de tâches), du côté du travail prescrit, et les compétences effectivement mises en œuvre par une personne au cours de son activité, dans le travail réel.

Je considère donc qu’il faut garder l’opposition entre compétence et performance, d’accord sur ce point avec Allal (2002, p. 84) et éviter d’utiliser l’expression « compétence virtuelle » qui, de mon point de vue, ne peut qu’induire des confusions.

Par ailleurs, même si je suis d’accord pour l’essentiel avec ce que Jonnaert dit du paradigme épistémologique socio-constructiviste (2002, chapitre 4), je ne me retrouve pas complètement dans l’architecture de la compétence qu’il propose (chapitre 3). Celle-ci comporte quatre niveaux : celui de la compétence, celui des capacités, celui des habiletés et celui des contenus disciplinaires. En ce qui me concerne, je ne vois pas l’intérêt de prendre en compte la notion de découpage disciplinaire, mais il est vrai que Jonnaert propose un cadre de référence qu’il veut valide aussi bien pour l’enseignement général des élèves en formation initiale que pour la formation professionnelle. En ce qui me concerne, je préfère me limiter à la définition d’un modèle de la compétence concernant seulement la formation professionnelle. Dans ce cadre, il me semble plus pertinent de considérer des domaines d’activités (ou fonctions) et des catégories de tâches ou classes de situations et de repérer les contenus de connaissances en fonction de ces domaines et catégories, plutôt qu’en fonction des découpages disciplinaires.

D’autre part je préfère limiter l’usage du terme d’habiletés à ce qui relève de gestes ou de combinaisons de perceptions et de gestes dans les activités concrètes, car cela me semble plus conforme au sens de ce terme en français standard. Enfin on peut s’interroger sur l’opportunité de garder le terme de capacités pour désigner des éléments constitutifs d’une compétence, en effet ce terme a une connotation behavioriste, parce qu’il a été beaucoup utilisé en pédagogie par objectifs. La terminologie de la didactique professionnelle peut avantageusement le remplacer. Les éléments constitutifs d’une compétence seront alors analysés en termes de concepts pragmatiques organisateurs de l’action et de schèmes opératoires.

En résumé l’architecture à quatre niveaux de Jonnaert me semble inutilement compliquée et utilise une terminologie qui ne me semble pas adaptée.


Je considère que la réflexion sur la formation professionnelle a besoin de la notion de compétence, mais que celle-ci doit être intégrée dans un modèle enrichi et être plus précisément définie dans le cadre d’un champ conceptuel explicité s’appuyant sur les acquis de l’analyse du travail et des activités. Cela suppose de définir :
- 1. un ensemble de situations, de processus, de tâches ou de problèmes appartenant à un même domaine d’activité,
- 2. les termes et les modèles permettant de les représenter (les nommer, les distinguer d’autres catégories de situations ou de problèmes, les caractériser…),
- 3. les schèmes, concepts et théorèmes (Vergnaud) permettant de les analyser et de les traiter efficacement.

  • Dans le cas du champ conceptuel des compétences, il s’agit notamment des situations et des tâches de conception de dispositifs de formation professionnelle, de recrutement (sélection du personnel pour un emploi), d’évaluation en situation de travail ou de VAE. Un ensemble de concepts relevant de la didactique professionnelle et des courants de psychologie du travail et de psychologie de l’apprentissage sur lesquels elle s’appuie permettent de construire des modèles rendant compte des processus en jeu et permettant de les traiter de façon pertinente. Ces concepts et ces modèles sont encore en cours d’élaboration, mais nous disposons d’apports déjà significatifs.

Pour revenir à la définition du concept de compétence, je proposerai les éléments suivants :
Une compétence est constituée d’un ensemble de ressources cognitives, socio-affectives et/ou d’habiletés perceptivo-gestuelles qu’une personne peut (ou doit ) mobiliser de façon coordonnée pour être efficace de façon stable dans le temps dans une classe de situations ou une catégorie de tâches spécifiques. Les attributs de ce concept sont l’opérationnalité (être efficace), la contextualité (relative à des tâches ou des situations spécifiques) et le caractère composite (combinaison de connaissances déclaratives, procédurales, d’attitudes, d’habiletés perceptivo-gestuelles). Elles se construisent et s’évaluent en situation et dans la durée ; c’est dans ce cadre qu’elles peuvent (et doivent) être validées. Elles ne sont pas équivalentes (ne peuvent être réduites) à l’addition de capacités élémentaires car elles supposent la sélection et la combinaison de ressources pertinentes pour réaliser des tâches et faire face à des situations complexes.
Plus précisément, cela suppose la capacité à élaborer une représentation de la situation, à repérer la classe de situations à laquelle elle appartient et la catégorie de tâches à assurer et de problèmes à résoudre, à choisir et à mobiliser le (ou les) modèle(s) opératif(s) pertinents et les concepts pragmatiques ou les schèmes organisateurs de l’action, plus ou moins explicitement reliés à un modèle cognitif (à des savoirs validés). La « performance » ou l’efficacité pratique en situation n’est que le résultat visible de la mise en œuvre des compétences requises dans la situation. Celles-ci ne sont pas directement observables, mais elles sont inférées suite à l’observation des performances en situation de façon stable dans le temps (une performance dans une situation ou un échec isolé ne sont pas suffisants pour évaluer une compétence).

3 . À quelles difficultés se heurte l'évaluation des compétences ? :

Quelles sont les difficultés que l’on rencontre dans l’évaluation d’un ensemble de compétences, que ce soit dans un jury de VAE ou plus généralement pour tout membre d’un jury chargé de délivrer un diplôme professionnel ? Dans le premier cas, nous disposons d’un dossier faisant état des activités passées du candidat et établissant des relations entre cette expérience et un référentiel ou un programme de formation. Le dossier est essentiellement déclaratif, même si des éléments de preuve ou des arguments viennent en appui de la demande de validation. L’examen du dossier et un entretien permettent-ils réellement d’évaluer les compétences effectives du candidat ? N’y a-t-il pas le risque d’évaluer surtout la capacité du candidat à rendre compte par écrit ou oralement de ses activités, à les expliciter, à les mettre en valeur, à les présenter sous un jour favorable ? Ce qui revient à évaluer d’abord des capacités d’expression et d’argumentation… parfois une mise en situation réelle ou simulée s’ajoute à l’entretien. Mais peut-on évaluer des compétences sur une seule situation, qui plus est une situation qui n’est pas une situation ordinaire de travail, car elle fait l’objet d’une évaluation dont l’enjeu est important pour le candidat. La présence et le regard des examinateurs transforment profondément la signification de la situation. Mais cela est vrai de toute situation d’examen. Ce qui n’empêche pas de délivrer des diplômes professionnels. Doit-on en conclure que la délivrance d’un diplôme professionnel devrait reposer principalement sur l’évaluation de périodes de stage d’assez longue durée, évaluation dans laquelle des professionnels de terrain devraient avoir un rôle important ? Je répondrai plutôt par l’affirmative, en ajoutant que ces professionnels doivent être formés à l’évaluation.

  • Il existe aussi un ensemble de difficultés et d'enjeux sociaux qui peuvent constituer des obstacles non négligeables dans ce domaine. Ils portent sur des aspects essentiels des démarches et des outils supposés permettre l'évaluation de compétences professionnelles : la construction de référentiels de compétences, et les procédures permettant de les évaluer (Brochier 2002). J'ai traité ces aspects dans mon texte paru en 2005 (voir texte définition).

Bibliographie :
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- Brochier D. (Dir.). (2002). La gestion des compétences. Acteurs et pratiques. Paris : Economica.
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- Crahay M. (2006) Dangers,incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation, Revue Française de Pédagogie, N° 154, Janvier-Mars 2006.
- Brochier D. (Dir.). (2002). La gestion des compétences. Acteurs et pratiques. Paris : Economica.
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