Les concepts ont une mémoire

« ne pas dissocier le problème du sujet de la politique de démocratisation, de l’historicité des instruments conceptuels qu’on utilise pour le poser, et (…) tenir compte de la complexité de cette histoire : une histoire théorique bien sûr, mais toujours déjà affectée intérieurement par l’histoire sociale, économique, politique, idéologique, qui en oriente les significations, les fait bifurquer ou les bouleverse en fonction des revirements des conjonctures. Cela revient à dire que les concepts dans lesquels on interroge les modes de subjectivation dans l’espace politique sont toujours marqués par les conjonctures dans lesquels ils ont été forgés ou transformés, marqués aussi par les effets non théoriques qu’ils produisent dès lors qu’ils s’incorporent dans des institutions, des organisations, des agents collectifs qui se les approprient dans leurs pratiques. Les concepts ont une mémoire, seulement cette mémoire n’est pas purement conceptuelle. En ce sens les concepts de la pensée politique ne sont jamais « purs », et c’est leur impureté spécifique qui doit être précisément analysée : par quoi se définit une position matérialiste dans la pensée politique. »

Guillaume Sibertin-Blanc : « Généalogie, topique, symptomatologie de la subjectivation politique : questions-programme pour un concept politique de minorité » in :  Dissensus – Revue de philosophie politique de l’Université de Liège – N°5 – Mai 2013 – (Dossier Subjectivations politiques et économie des savoirs), p. 104.