connaître est en soi-même un mouvement (T. Ingold)

A propos de son apprentissage lorsqu’il était un jeune anthropologue, Ingold écrit :

« La seule manière de véritablement apprendre quelque chose – en l’apprenant de l’intérieur – est de l’apprendre en le découvrant par soi-même. (…)

La simple possession d’une information ne suffit pas à l’élaboration d’une connaissance, et garantit encore moins que celui à qui on les transmet comprendra de quoi il retourne. Les choses sont toujours plus faciles à dire qu’à faire (…)

Comment en vient-on à apprendre ? Pour faire court, je dirais que c’est en regardant, en écoutant, en sentant, en faisant attention à ce que le monde a à nous dire. Mes compagnons ne m’ont rien dit sur ce qu’il y avait à voir, à entendre, etc., ils n’ont rien fait pour m’épargner la peine d’avoir à apprendre par moi-même. Ils m’ont bien plutôt montré comment je pourrais le découvrir. Ils m’ont appris ce qu’il fallait chercher et comment pister les choses ; ils m’ont appris que tout acte de connaissance est un processus d’accompagnement actif qui consiste à se mettre en chemin avec ce que l’on cherche à connaître. Ces personnes avaient toujours vécu de la pêche, de la chasse et de l’élevage de rennes. C’était pour elles une seconde nature de penser que nul ne connait qu’en cheminant avec ce qui doit être connu et que le mouvement n’est pas seulement un moyen pour accéder à la connaissance, mais que connaître est en soi-même un mouvement. (…)

Aujourd’hui, avec le recul, je mesure tout ce que ma réflexion et mes choix théoriques en faveur de telle philosophie plutôt que telle autre doivent à cette façon de voir. »

Tim Ingold : Faire. Anthropologie, archéologie, art et architecture. Ed. Dehors, 2017, p.19-20