la relation entre le concevoir et le faire

Les chasseurs rêvent souvent d’animaux avant de les croiser. Les artistes, architectes musiciens et écrivains sont eux aussi à l’affût de visions fugitives d’une imagination qu’ils s’efforcent de capturer pour pouvoir les mettre sur le métier et les travailler. Tout comme les chasseurs, eux aussi s’ingénient à capturer les rêves. Tous les efforts humains, semble-t-il, sont tendus entre la capture des rêves, d’une part, et le travail des matériaux, d’autre part. Dans cette tension entre l’attraction des espoirs et des rêves et le frein des contraintes physiques ( et non pas dans l’opposition entre réflexion savante et exécution mécanique) se noue la relation entre le concevoir (design) et le faire (making). C’est précisément au point où l’imagination se frotte aux aspérités de la matière, et où les forces de l’ambition doivent se mesurer à la dure réalité du monde, que l’existence humaine est vécue.

Tim Ingold : Faire. Anthropologie, archéologie, art et architecture, Ed. Dehors, 2017, p. 164-165