L’écriture, l’illusion et l’édification de l’être

« L’écriture nait d’une illusion : illusion que je suis meilleur que moi-même, plus pénétrant, généreux et sensible. Illusion aussi que je suis capable d’écrire. Lorsque cette illusion est maintenue assez longtemps – comme un révélateur qu’on porte à température – elle devient réalité, j’écris et je m’ajuste aux exigences de l’écriture. (…)

L’illusion a donc son rôle à jouer dans ma vie ; c’est un moteur parmi d’autres, c’est une variété roturière de l’acte de foi dont on ne se sent pas toujours capable. Il y a ainsi des rapports très étroits entre entre l’illusion et l’édification de l’être, ceci permettant souvent cela. »

Nicolas Bouvier, Le vide et le plein. Carnets du Japon (1964-1970). Editions Hoëbeke, 2004 et Folio, 2009.

Ce que Nicolas Bouvier appelle « illusion », je le relierai à l’imagination, dans le sens où  Castoriadis utilise ce terme. Je me construis à travers mes rencontres, mes identifications et au moyen de mon imagination (plus ou moins) radicale. Du moins si je maintiens assez longtemps ce que j’imagine pouvoir faire (écrire, penser, agir) et si j’écris, je pense, j’agis selon mon imagination ; si je m’ajuste aux exigences de ces actes et ainsi j’édifie, je construis, je transforme ce(lui) que je suis. (Voir citation de Valéry : http://www.translaboration.fr/wakka.php?wiki=ValerY)