ces gens qui savent tant de choses qu’ils n’y comprennent plus rien

 » Et d’ailleurs quel besoin si urgent a-t-on d’être informé ? Pour ce qu’on en fait de l’information qu’on possède ! Mieux vaut connaitre dix choses et leurs rapports que dix mille choses éparses. À force d’information l’esprit perd sa structure ; on n’a plus le temps de mettre de l’ordre là dedans, ni même de savoir si l’on aime et si l’estomac supporte. (…) Il est impossible, dans cet état de sollicitation perpétuelle que les contours intérieurs ne finissent par s’éroder (…)
Il ne faut pas s’étonner davantage si ces gens qui savent tant de choses qu’ils n’y comprennent plus rien ont le plus grand mal à se comprendre l’un l’autre. Car (…) deux interlocuteurs ne peuvent absolument rien faire de cette poussière d’informations qu’ils possèdent l’un et l’autre, sinon en échanger quelques miettes. »
Nicolas Bouvier. Le vide et le plein. Carnets du Japon 1964-1970. Folio. p.228-229.