Les arts, le corps, la parole (Pascale Weber)

Les arts sont nés simultanément dans tous les groupes humains qui développaient leur intelligence, leur savoir, leur langage, leur organisation sociale. Le corps de l’être humain porte la mémoire de cette longue évolution et l’art connait la polyvalence de ce corps.

 

L’art permet le dialogue et la comparaison entre les différentes constructions culturelles, entre les successives civilisations qui témoignent de notre histoire, notamment en mettant en continuité des modes de vie qui utilisent pareillement nos capacités imaginatives et intellectuelles. Or la parole ne suffit pas pour qui veut aimer, faire l’amour, s’émouvoir, être reconnu, admiré, jouer, rechercher la complicité, la chaleur et la force du groupe, et détruire ou concevoir des mécanismes, des procédures, des stratagèmes, tuer, être effrayé. Et même échanger, même discuter, mentir sont autant d’expériences à vivre, dans notre réalité ou notre imagination, qui débordent la parole.

 

Si j’insiste sur cette évidence que les idées et les corps se développent et vivent également hors du langage, parfois contre lui, c’est précisément parce que l’idée d’attachement du corps à une nature qu’il cherche à embrasser, le corps-nature, a germé à l’ombre de mon intelligence discursive, comme survient un embryon, dans le mouvement de la vie. Et bien que les mots soient pour moi, pour reprendre la si belle image de Bataille, des sables mouvants, j’en passerai par leur filtre pour tenter de décrire l’obsession, qu’il me semble aujourd’hui avoir toujours eue, d’une nature exaltante, vivifiante et dangereuse à la fois.

 

L’acte de création est entièrement suspendu à la manifestation d’une forme et d’une émotion coïncidant dans une seule expression, un seul geste. La parole décompose cette fulgurance et passe à côté. Elle la frôle au mieux, la caresse.

Weber Pascale, Attachement, Al Dante 2015.