Pépins de réalités

Je lis « Pépins de réalités » de Michel Vézina (éditions Tête première, 2016). J’ai rencontré Michel Vézina ce samedi 4 mars au séminaire des Fabriques de sociologie à St Denis. Il était venu avec son camion librairie. J’ai dû partir avant la fin de l’après-midi et je n’ai pas pu assister à son « intervention », mais j’avais acheté son livre que j’ai commencé à lire dans le train. Un livre d’un genre inclassable « entre roman, essai, récit et poésie – qui questionne les nouvelles formes de description du réel… » selon la quatrième de couverture. Deux extraits :

« S’immiscer dans les interstices de notre monde lisse. Doucement agrandir les fissures qui pourront peut-être un jour devenir des crevasses et faire se fendre les certitudes. L’idée, en tout cas celle d’interstice, est de Pascal Nicolas Le-Strat. (Puis une longue citation du livre de Pascal « Le travail du commun » dont je ne retiens ici qu’une partie)

Nombre d’expériences et parmi les plus créatives et les plus radicales finissent par rentrer dans l’ordre, par le fait d’une lassitude qui emporte les meilleures volontés ou d’une institutionnalisation qui, insidieusement, assimile et phagocyte le processus expérimental. L’interstice a vécu ; ses perspectives se referment, se restreignent. Il n’existe aucune initiative qui ne soit assimilable, aucun projet qui ne soit récupérable. Rien dans leur définition ou dans leur constitution ne saurait les protéger. Seuls leur mouvement d’autonomisation, leur ingéniosité et leur intelligence des situations leur permettent de résister… »

« Souvent je me dis que je devrais tout simplement ne faire que lire. »

(Michel Vézina  Pépins de réalités, éditions Tête première, 2016, p. 82-83)

« La littérature n’est pas un gage de bonheur. Les gens qui lisent ne sont pas plus heureux que ceux qui ne lisent pas. Les gens qui sont sensibles à l’art ne sont pas plus heureux que ceux qui ne le sont pas.

Disons le nous une bonne fois pour toutes : ni l’art ni la littérature ne rendent heureux. Nous mourrons tous, il n’y a pas de repos dans l’art, pas d’apaisement, pas de mensonge. Nos sommes tous en sursis. (…) I wrote the book because we’re all gonna die, comme disait Kerouac. Comment le lecteur contemporain garde-t-il sa capacité de se remettre en question alors que les universités sont devenues des usines à travailleurs plutôt que des forums de questionnement et de discussion, des pépinières à marchands de lumières. »

(Michel Vézina  Pépins de réalités, éditions Tête première, 2016, p.149)