Exégèse ou interprétation : deux postures de chercheurs

« Depuis les études, désormais nombreuses, sur le fonctionnement de la mémoire collective, nous savons à quel point le remaniement du passé est consubstantiel à la constitution du présent. C’est toute la différence entre exégèse et interprétation : l’exégète contribue à la pérennisation d’une croyance, l’interprète, dans la mesure où il prend ses distances par rapport au message à décoder, participe à sa dissolution. (…) En fait, privilégier l’exégèse – choix tout à fait légitime – revient à adopter un regard « phénoménologique ». L’objectif, dans ce cas, est de restituer le monde tel qu’il est vécu par les acteurs. (…)

Les niveaux de vérité sont pluriels. Il y a une vérité des acteurs (il y en a plusieurs, d’ailleurs), que le phénoménologue traque et restitue fidèlement. Et il y a une vérité d’une autre nature : une vérité « inconsciente », peut-être, qui demande un travail comparable, en quelque sorte, à celui du psychanalyste. Pour des raisons à la fois scientifiques et peut-être biographiques, ce deuxième niveau d’analyse intéresse les chercheurs se réclamant d’une approche dite « critique ».

S. Dalla Bernardina. Les confessions d’un traître. Du caractère indécent de l’enquête ethnographique et de la manière de s’en sortir. in : »Chercher. S’engager », revue Communications, n° 94, 2014, p. 102.