Exégèse ou interprétation : deux postures de chercheurs

« Depuis les études, désormais nombreuses, sur le fonctionnement de la mémoire collective, nous savons à quel point le remaniement du passé est consubstantiel à la constitution du présent. C’est toute la différence entre exégèse et interprétation : l’exégète contribue à la pérennisation d’une croyance, l’interprète, dans la mesure où il prend ses distances par rapport au message à décoder, participe à sa dissolution. (…) En fait, privilégier l’exégèse – choix tout à fait légitime – revient à adopter un regard « phénoménologique ». L’objectif, dans ce cas, est de restituer le monde tel qu’il est vécu par les acteurs. (…)

Les niveaux de vérité sont pluriels. Il y a une vérité des acteurs (il y en a plusieurs, d’ailleurs), que le phénoménologue traque et restitue fidèlement. Et il y a une vérité d’une autre nature : une vérité « inconsciente », peut-être, qui demande un travail comparable, en quelque sorte, à celui du psychanalyste. Pour des raisons à la fois scientifiques et peut-être biographiques, ce deuxième niveau d’analyse intéresse les chercheurs se réclamant d’une approche dite « critique ».

S. Dalla Bernardina. Les confessions d’un traître. Du caractère indécent de l’enquête ethnographique et de la manière de s’en sortir. in : »Chercher. S’engager », revue Communications, n° 94, 2014, p. 102.

l’engagement du chercheur (selon Alain Bertho)

« La gestion moderne des territoires, même avec les meilleures intentions,  tend à faire des habitants des variables d’ajustement et non la finalité même des décisions.  L’enjeu est bien la place, la parole et la place de la parole de ces habitants, si souvent invoquées et si rarement prises en compte.

L’engagement du chercheur sur ce terrain est exigeant, car il interdit de parler à leur place, quelles que soient les circonstances. Il n’autorise pas une position tierce à égale distance des gens et des pouvoirs. Et il commande de continuer à définir une position propre du chercheur, de sa méthode, des finalités et de l’éthique de sa recherche. Une nouvelle éthique de la responsabilité s’installe au cœur de nos pratiques, comme condition de vérité. »

BERTHO Alain. Les mots et les pouvoirs. In « Chercher. S’engager », revue Communications (Seuil). N° 94, 2014, p. 22.