Daesh nous empêche de voir que la question majeure est politique

Interview de Roland Gori publié le 21 juillet 2016 sur www.politis.fr

Politis : Comment analysez-vous ce qu’il s’est passé à Nice la semaine dernière ?

Roland Gori : La prudence serait de dire qu’on ne sait pas. Que l’on a besoin de temps pour préciser les données à recueillir par des enquêtes, et de temps pour une analyse multidimensionnelle mobilisant la pensée. Nous avons besoin de temps pour penser ce qui nous arrive, et comment nous en sommes arrivés là. (…). Or, les dispositifs d’information et d’analyse sont eux-mêmes atteints, corrompus par les dérives de la « société du spectacle », du « fait divers » qui permet la marchandisation des émotions et des concepts. Cela n’est pas acceptable moralement et politiquement car cela détruit aujourd’hui les bases sur lesquelles se fondent nos sociétés et participe à fabriquer les tragédies que nous traversons. C’est le fonds de commerce de nos ennemis et de leurs alliés objectifs, et de leurs comparses involontaires.

Quelle est la responsabilité des médias ?

Les médias ont une grande responsabilité dans cette affaire : ils participent à la « star académisation » de passages à l’acte criminel, (…) réalisés par des personnalités plus ou moins pathologiques n’ayant aucun rapport personnel avec leurs victimes. Ce qui ne veut pas dire que tous ces meurtres relèvent de la même économie, que tous sont commis par des psychopathes ou des psychotiques. Certains sont authentiquement politiques, d’autres appartiennent au fanatisme « religieux », d’autres encore aux réseaux « mafieux » qui a fait du terrorisme l’occasion de nouvelles affaires rentables.

L’habillage idéologique ou religieux est plus ou moins décisif, déterminant selon les cas (…). Daesh « ramasse » tout, cela sert son entreprise de déstabilisation de l’Occident en frappant le « ventre mou » de l’Europe, en espérant ainsi favoriser les tensions intercommunautaires. (…) Lire la suite

Barbares ? (P. Viveret)

« Il y a des actes barbares, il n’y a pas de Barbares. La barbarie est un dérapage dans l’inhumanité qui menace tout individu, tout groupe humain. C’est une aliénation, une altération d’humanité qui n’est pas réservée à certains. L’Europe a payé le prix lourd pour comprendre que la barbarie pouvait naître au cœur de grandes civilisations. La patrie de Kant et de Beethoven pouvait aussi enfanter le nazisme. La patrie de Dante pouvait enfanter le fascisme, celle des droits de l’homme le colonialisme, celle de Cervantès le franquisme, celle de l’habeas corpus l’impérialisme, celle de la libération du tsarisme, la terreur stalinienne, celle de la statue de la liberté organiser un système international de torture.. La liste est infinie. Lire la suite

Trop plein de signes et disette du sens (A. Mattelart)

Le trop plein des signes est nécessairement à la mesure de la disette du sens. Relier, trouver le sens, c’est le défi auquel tentent de répondre diverses tentatives qui cherchent à poser le thème de l’appropriation sociale des technologies informationnelles comme impératif démocratique. La « société civile » a mis longtemps à prendre conscience du rôle structurant des technologies de l’information et de la communication. Lire la suite