Emmanuel Hocquard : le livre, la phrase, la pensée

 

L’expérience en question concerne penser et écrire à plusieurs. Ca va contre toutes les habitudes. Et [...] ça remet en question, pour une bonne part au moins, un des sacro-saints piliers de notre culture : le livre. Nous aurons donc à examiner de très près la notion de livre. Nous aborderons la question par le biais du format-livre. Qu’est-ce que ce «format» permet et (surtout) qu’est-ce qu’il interdit. Notre expérience portera sur quel format inventer pour parvenir à faire ce que le format-livre nous interdit de faire ? (p. 51-52)

La phrase est à sens unique (comme certaines rues). L’ordre des mots y est prédéterminé. Le temps y est réglé par la conjugaison et la concordance des temps. [...]

L’auteur de la phrase est extérieur à la phrase, même s’il peut s’y représenter (à l’aide des noms et des pronoms), de même que le peintre est extérieur à son tableau. Il se tient hors limites (ou hors champ).

La phrase n’est pas seulement cette façon d’organiser le langage, elle est une façon d’organiser la pensée, dans les frontières qu’elle impose. (p. 59).

 

Emmanuel Hocquard Le cours de Pise. P.O.L 2018