B. Lahire : le dire sur le faire

 

LOGIQUES PRATIQUES Le « Faire » et Le « dire sur Le Faire » Bernard LAHIRE

Recherche et formation, n° 27 – 1998. Pages 15-28.

« Ainsi, à l’opposé d’une sociologie (souvent implicite) des « valeurs », des « représentations » et des « opinions » qui reste abstraite dans tous les moments de sa pratique (entretiens recueillant ce que les interviewés « pensent », les « opinions » ou les « représentations » de ceux-ci sur le sujet qui préoccupe le sociologue, théorie qui met en avant la « philosophie » des enquêtés, leurs propos généraux, explicites et ne portant sur aucune situation pratique particulière), une sociologie qui entend saisir les pratiques et les savoirs effectifs devrait porter son regard, à défaut parfois de pouvoir directement observer les pratiques (notamment dans l’univers familial), sur l’énonciation de situations, régulières ou exceptionnelles mais toujours particulières. Il s’agit de faire parler de situations pratiques plutôt que de demander de « livrer des représentations » en général. Cela suppose, bien entendu, une bonne connaissance préalable des situations possibles. Le problème ne réside donc pas dans le fait que nous ignorons ce que nous savons et ce que nous faisons, mais que nous ne disposons pas toujours des bons cadres (contextuels et langagiers) pour parler de ce que nous faisons et de ce que nous  savons. Lire la suite

L. Kaplan : Les mots

 

Leslie Kaplan

Les mots

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le 7 avril 2009

ce texte a été publié pour la première fois aux éditions Inventaire/Invention en 2007

 

ce que j’ai en commun, ce n’est pas la situation

sociale

politique

historique

psychologique

c’est la possibilité c’est que : en tant qu’être humain,

homme ou femme,

j’aurais pu

et ça, ce j’aurais pu, cette fiction

est contenu dans les mots

dans le langage

dans le fait que les mots essaient

de rendre compte du réel

au plus près

au plus singulier

et pour cela

par ce travail

ils essaient, les mots, de rendre compte

à la fois de ce qui est

et de ce qui est possible

du désir comme du cauchemar

la littérature ce n’est pas raconter sa vie

comme les émissions

soi-disant littéraires

de la télévision

voudraient le faire croire

la littérature c’est penser, essayer, avec des mots

c’est une recherche, concrète, vivante

avec des personnages,

qui sont des porte-questions,

avec des histoires, des récits,

avec des lieux

avec de l’espace, avec du temps

la littérature, c’est :

« quelque chose se passe, et alors, quoi ? »

c’est à l’intérieur du réel le plus réel

trouver, creuser, inventer, de l’ouvert

de l’écart

du décalage

du jeu

du possible

c’est entrer en contact avec le monde

si je vis telle situation, si je l’éprouve,

qu’est-ce que ça veut dire,

qu’est-ce que je peux en dire

 

Yves Schwartz : Expérience et connaissance du travail

Yves Schwartz (1988, réédition en 2012). Expérience et connaissance du travail. Paris : Les Éditions Sociales.

Quels citations extraites de cet ouvrage :

« Il s’agit donc d’essayer de se cramponner au terrain même du travail, quelques indistinctes qu’en paraissent les limites : non pas le produit ni le moyen, mais l’acte même de faire.  »(p. 439).

« L’activité de travail s’est toujours plus ou moins posée comme un problème à résoudre, inextricablement ‘ergonomique’, technologique et social. » (p. 501).

« Toute notre thèse repose sur l’idée qu’il faut prendre au sérieux le travail comme expérience, expérience de l’humanité. » (p. 526).

« Dans le rapport maître-esclave, le dernier moment est celui de la ‘Bilden’ ou ‘Bildung’, que J. Hipolyte traduit par ‘culture (ou formation)’, dans la mesure où, commente-t-il, terme très général chez Hegel, il s’agit ici d’une formation de l’individu qui, en formant la chose se forme lui-même. »

 » Le travail est Bildung, formation, culture. » (p. 528).

« Toute activité renvoie au champ énigmatique de l’instrumentation d’un corps (…) à l’enracinement problématique du travail dans la vie. » (p. 531).

 » Tout procès de travail interfère avec le fait que les individus se forment à travers (…) une histoire et des processus toujours singuliers, au sens biologique, mais aussi social et symbolique. »

« Dans quelle mesure les ‘buts’ prescrits par l’autorité qui commande le travail sont-ils ou on compatibles avec ceux des individus et des collectifs qui, pour l’accomplir doivent s’instrumenter eux-mêmes ? » (p. 533).

« L’expérience des forces productives, quoique dominées par le capital, est ‘formatrice’ : c’est pour cela que les salariés se l’approprient partiellement, selon des modalités extrêmement diverses et contradictoires. » (p. 557).

« L’acte est pour L. Sève le premier concept de base d’une telle théorie de l’individu concret. (…) Par opposition aux simples ‘conduites’, l’acte prend une double dimension psychique et sociale. (…) La capacité est le complément dialectique de l’acte : elle est en effet la condition individuelle de l’effectuation de l’acte, mais inversement, l’immense majorité des capacités sont elles-mêmes produites ou développées dans l’individu par un ensemble d’actes qui en sont à leur tour la condition. (p. 586).

« La norme taylorienne homogénéise les temps de cycle, les décompose en gestes assez simples pour apparaître dénués de qualité. » (p. 594).

 » Qu’il y ait une expérience des forces productives est précisément le nœud du problème : il n’y a pas d’expérience si toute situation est reproduction à l’identique d’actes sans qualité. » (p. 597).

« On va à de graves mécomptes quand on se préoccupe d’enseigner les travailleurs sans travailler d’abord à formaliser ce qu’ils savent. » (p. 618).