la voix est un pont entre le langage et le corps

Un jeune garçon aux allures de surfer ose timidement s’adresser au « maître » :

- Beaucoup de gens disent que la voix, nos voix les attirent [les furtifs] ?Je comprends pas pourquoi ?

Varech souffle, il en a parlé cinquante fois, il pourrait zapper mais il sait aussi qu’il est là pour ça : pour dire et redire encore, transmettre, partager. Que la furtivité est un monde inconnu encore pour tellement de gens, souvent incompris même chez les plus engagés des camarades. Alors il s’y colle :

- Peut-être parce que la voix est un pont entre le langage et le corps. Entre le sens et le son. C’est sur ce pont que les furtifs et les humains peuvent se rencontrer et échanger quelque chose (…)

- Si je te suis, ce serait quand on discute qu’on est le plus proche d’un furtif…

- Discuter ça reste très étrange… c’est sculpter l’air ensemble, par la voix. C’est utiliser nos corps, le ventre, la trachée, notre bouche, pour fabriquer des objets sonores – qu’on s’échange et qui nous changent, en profondeur. Discuter c’est comme accepter de se transformer, l’un par l’autre…

Alain Damasio, Les furtifs, La Volte, 2019, p. 683.