Ce que le numérique fait aux savoirs

Extrait de « La carte et l’Océan: ce que le numérique fait aux savoirs (4) »

Par Christian Jacob

http://lieuxdesavoir.hypotheses.org/1292

La masse des livres, le nombre des textes excèdent les capacités du lecteur individuel. La bibliothèque est un horizon qui peut être écrasant tant elle signifie notre finitude par rapport à l’infini des savoirs. Chaque lecteur doit donc apprendre à se repérer dans cet infini, et à tracer ses propres cheminements, personnels, partiels, inachevés, hésitants.

Ces cheminements peuvent être encadrés par les enseignants, qui déblaient le terrain et prescrivent les lectures. Ils peuvent aussi être menés de manière autonome, selon de multiples stratégies : aléatoires ou programmées, extensives ou intensives, digressives ou focalisées.

Le numérique fait de chacun d’entre nous un voyageur, un nomade et un braconnier, pour reprendre les belles images que Michel de Certeau appliquait à l’homme ordinaire et à ses libres déambulations. Il faut essayer de tracer son chemin au ras du sol, tout en ayant une vision aérienne, cartographique, schématique, de l’espace dans lequel on circule. Le numérique est un art du cheminement, qu’il s’agisse de lire, d’écrire, ou de lier et de relier. Cheminer en liant, en déliant, en reliant. Il y a deux dimensions intimement corrélées : apprendre à avancer, à aller d’un lieu à l’autre sans se perdre, maîtriser les bifurcations, savoir se repérer; mais aussi identifier les lieux où l’on se trouve, les comparer, les évaluer, disposer de l’outillage critique pour sonder les terrains des sites que l’on visite, les informations que l’on collecte.

une vieille pensée sur la pensée

 L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée.

B. Pascal

« Quel modèle de la compétence ? » en espagnol

Ma communication présentée à Barcelone en février 2012 dans le cadre d’un séminaire du Réseau Observatoire International sur la Professionnalisation (ROIP) a été traduite et est reprise  dans un livre édité par deux collègues de l’Universitat Internacional de Barcelona : A. Arbos et P. Puig. « Qué modelo de competencia ? » in Formacion, aprentizage y valdacion de la experiencia, UIC Publicacions, 2013.

la leçon de Barthes

Car ce qui peut être oppressif dans un enseignement, ce n’est pas finalement le savoir ou la culture qu’il véhicule, ce sont les formes discursives à travers lesquelles on les propose. Puisque cet enseignement a pour objet, comme j’ai essayé de le suggérer, le discours pris dans la fatalité de son pouvoir, la méthode ne peut réellement porter que sur les moyens propres à déjouer, à déprendre, ou tout au moins à alléger ce pouvoir. Et je me persuade de plus en plus, soit en écrivant, soit en enseignant que l’opération fondamentale de cette méthode de déprise c’est, si l’on écrit, la fragmentation et, si l’on expose, la digression, ou, pour le dire d’un mot précieusement ambigu : l’excursion.

Roland Barthes Leçon (texte de la leçon inaugurale au Collège de France), Seuil, 1978