Vivre seuls ensemble (Tzvetan Todorov)

(A propos d’Eward Saïd)

Au cours de ces mêmes années (1970) je poursuivais un travail parallèle sur le regard que les ressortissants d’une culture portent sur ceux d’une autre, donc sur l’unité et la pluralité intérieure de l’espèce humaine, travail dont sont issus mes livres La conquête de l’Amérique et Nous et les autres. (p. 26)

L’intellectuel  est d’abord celui qui ne se contente pas d’être le spécialiste de tel ou tel domaine, mais intervient dans la sphère publique, qui parle du monde et s’adresse au monde. (p. 34)

(Et à propos de l’exil) L’homme « dépaysé » qui émerge de cette expérience n’est toutefois pas un autochtone de plus : il ne renonce pas entièrement à son identité antérieure mais participe simultanément de deux cadres de référence, sans s’identifier pleinement à aucun. Cet individu voit chacune de ses cultures à la fois du dedans et du dehors, ce qui lui permet d’échapper à leurs automatismes et de les examiner d’un regard critique. (p. 35) Lire la suite

fonction poétique du langage et tissage de soi

« C’est que,  pour résumer nous ne pouvons oublier que c’est seulement par les chemins de la fonction poétique du langage que continue à se tisser toujours la singularité radicale de chacun. Le métier que nous choisissons peut habiller l’identité de chacun, la renforcer parfois, mais il constitue souvent un simple déguisement : connaître ou reconnaître quelqu’un, et évidemment soi-même, n’est jamais possible en considérant seulement sa manière d’exercer son travail social, son métier, sa fonction.

S’il nous faut donc, en ce qui concerne notre métier de psychothérapeute, aider à ce que le sujet singulier qui nous parle retrouve tout au moins quelques unes des coutures décousues ou des déchirures de son identité en question, il nous faudra faire attention aussi bien à ce que les paroles disent ou cachent, ou aux actes volontaires ou involontaires, pour insignifiants qu’ils soient, qu’à la fonction poétique qui en fait les relie ».

F. Tosquelles Fonction poétique du langage et psychopthérapie, Erès, 2003 (p. 25).

le sujet produit par la parole (Tosquelles)

« Il y a tant de gens qui s’entêtent à vouloir être « un tout » et tout avaler tout de suite. Et quand ils voient eux-mêmes qu’un tel projet est indéfendable, alors ils pensent qu’il vaut mieux n’être rien du tout. Tôt ou tard ils pensent d’eux-mêmes qu’ils ne sont rien ou que les autres les traitent comme s’ils n’étaient « rien » : une chose vide, ni plus ni moins qu’un objet, et jamais un sujet, toujours produit, comme nous le disions, par la parole et non par magie ni par culture. Un sujet précisément d’où émergent les questions auxquelles répond le moi en choisissant d’être de telle ou telle bande, de tel ou tel lieu. Nous disions donc que le sujet naît de là-même où la parole s’échappe par des clivages, des chutes et des lézardes et lui fait un nid ».

Tosquelles F. Fonction poétique et psychothérapie. Erès 2003, p. 22.