Gilbert Simondon (1924- 1989)

D’après l’introduction de « L’individuation psychique et collective », paru en 1989 et réédité en 2007, avec une préface de Bernard Stiegler.

Simondon part du problème de l’ontogénèse (la constitution de l’être individuel). Il remarque que la plupart des théories philosophiques s’intéressent surtout à l’individu constitué. Il propose au contraire de considérer comme primordiale l’opération d’individuation.  Il écrit : « L’individu serait alors saisi comme une réalité relative, une certaine phase de l’être qui suppose comme elle une réalité préindividuelle, et qui, même après l’individuation, n’existe pas toute seule, car l’individuation n’épuise pas d’un seul coup les potentiels de la réalité préindividuelle, et d’autre part, ce que l’individuation fait apparaître n’est pas seulement l’individu, mais le couple individu-milieu. » (p. 12). Dans cette conception, le devenir est une dimension de l’être. L’individu est un être en devenir et un être en relation. Il n’est ni stable, ni isolable de son milieu.

« L’être concret, ou être complet, c’est à dire l’être préindividuel est un être qui est plus qu’une unité. » (p. 13).   »L’unité et l’identité ne s’appliquent qu’à une des phases de l’être, postérieure à l’opération d’individuation  (…) elles ne s’appliquent pas à l’ontogénèse entendue au sens plein du terme, c’est à dire au devenir de l’être en tant qu’être qui se dédouble et se déphase en s’individuant. » (p. 14).

« Le vivant conserve en lui une activité d’individuation permanente : il n’est pas seulement résultat d’individuation, comme le cristal ou la molécule, mais théâtre d’individuation. » (p. 16).

« Le vivant résout des problèmes, non pas seulement en s’adaptant, c’est à dire en modifiant sa relation au milieu (…), mais en se modifiant lui-même, en inventant des structures internes nouvelles… » (p. 17).

« Le psychisme est poursuite de l’individuation vitale chez un être qui, pour résoudre sa propre problématique, est obligé d’intervenir lui-même comme élément du problème par son action, comme sujet ; le sujet peut être conçu comme unité de l’être en tant que vivant individué et en tant qu’être qui se représente son action à travers le monde comme élément et dimension du monde.  » (p.19).

Mais le psychisme ne peut se résoudre au niveau de l’être individué seul : il est le fondement de la participation à une individuation plus vaste, celle du collectif. (…) Au collectif pris comme axiomatique résolvant la problématique psychique correspond la notion de transindividuel. » (p. 22).

« Nous entendons par transduction une opération physique, biologique, mentale, sociale, par laquelle une activité se propage de proche en proche à l’intérieur d’un domaine, en fondant cette propagation sur une structuration du domaine opérée de place en place.  »

« L’opération transductive est une individuation en progrès »

« La transduction est l’apparition corrélative de dimensions et de structures dans un être en tension préindividuelle ». (p. 25).

Expéditions 2013-2014

« Expéditions » est une expérimentation à la croisée des chemins de l’art, de la recherche en sciences sociales et de l’éducation populaire, initiée par le plasticien Romain Louvel.

http://agedelatortue.org/?page_id=46

Avec les acteurs associatifs et les familles des quartiers de Maurepas (Rennes), du Ponant (Tarragona) et de Praga (Varsovie), il s’agit de valoriser les ressources culturelles invisibles de territoires trop souvent stigmatisés. La finalité de ce projet s’inscrit dans un horizon de transformation de nos regards sur la ville :
- Réinterroger les idées préconçues concernant les quartiers dits populaires,
- Réinvestir le motif de l’expédition ethnographique pour le déconstruire, y compris sur le plan de l’actualité des attitudes parfois néo-coloniales dans nos disciplines (art, recherche, éducation).

Pour cela, nous organisons des résidences en immersion dans ces trois villes qui donneront lieu, entre autres, à l’édition d’un livre, à la production d’une installation plastique, d’un film documentaire et d’un séminaire international pluridisciplinaire.

Lors de ces trois résidences de trois semaines chacune, une équipe d’explorateurs constituée d’artistes, de chercheurs, d’enfants des quartiers concernés et de pédagogues de rue va à la rencontre notamment des familles, des commerçants et des décideurs politiques locaux de ces trois villes pour collecter des discours concernant :
- Leurs représentations et leurs imaginaires relatifs à la vie quotidienne des quartiers dits populaires,
- La façon dont les gens de Tarragone imaginent ces quartiers à Varsovie ou à Rennes, et vice-versa.

Chacun des explorateurs invente son propre dispositif d’exploration de la ville et des représentations qu’en ont les habitants. Chaque dispositif servira de support à un questionnement central et commun à tous : comment les personnes rencontrées se représentent 1) leur propre quartier, 2) les quartiers de la ville dans lesquels ils n’habitent pas et enfin 3) les deux autres quartiers européens concernés par le projet ?

Rencontre « Expéditions » à Tarragona

L’âge de la tortue co-organise avec ses partenaires du projet Expéditions un séminaire international pluridisciplinaire à l’université Rovira i Virgili de Tarragone les 25 et 26 septembre. Les deux journées s’intéresseront aux questions de stratégie et de de collaborations interdisciplinaires entre artistes, chercheurs et sciences sociales et pédagogues.Le programme complet est à télécharger ici :

Pascal Nicolas-Le Strat y sera, sa contribution porte sur « Entre art et science de la rencontre ». Plus d’information sur son site : http://www.le-commun.fr/

Les concepts ont une mémoire

« ne pas dissocier le problème du sujet de la politique de démocratisation, de l’historicité des instruments conceptuels qu’on utilise pour le poser, et (…) tenir compte de la complexité de cette histoire : une histoire théorique bien sûr, mais toujours déjà affectée intérieurement par l’histoire sociale, économique, politique, idéologique, qui en oriente les significations, les fait bifurquer ou les bouleverse en fonction des revirements des conjonctures. Cela revient à dire que les concepts dans lesquels on interroge les modes de subjectivation dans l’espace politique sont toujours marqués par les conjonctures dans lesquels ils ont été forgés ou transformés, marqués aussi par les effets non théoriques qu’ils produisent dès lors qu’ils s’incorporent dans des institutions, des organisations, des agents collectifs qui se les approprient dans leurs pratiques. Les concepts ont une mémoire, seulement cette mémoire n’est pas purement conceptuelle. En ce sens les concepts de la pensée politique ne sont jamais « purs », et c’est leur impureté spécifique qui doit être précisément analysée : par quoi se définit une position matérialiste dans la pensée politique. »

Guillaume Sibertin-Blanc : « Généalogie, topique, symptomatologie de la subjectivation politique : questions-programme pour un concept politique de minorité » in :  Dissensus – Revue de philosophie politique de l’Université de Liège – N°5 – Mai 2013 – (Dossier Subjectivations politiques et économie des savoirs), p. 104.

Extraits d’un article d’Yves Schwartz

Yves Schwartz

Philosophe du travail, professeur émérite à l’Université d’Aix en Provence

« L’expérience est-elle formatrice ? » est le titre d’un article de la revue Éducation Permanente (n°158 mars 2004) dans lequel Yves Schwartz pose la question de l’articulation entre le savoir formel et celui que peut apporter l’expérience, notamment celle du travail. Ci-dessous quelques extraits de cet article :

« Toute situation de travail est toujours en partie (…) application d’un protocole et expérience ou rencontre de rencontres. (…) Dans nos environnements de travail, régulés par des normes techniques, économiques, gestionnaires, juridiques, toute situation de travail est toujours partiellement l’application de normes antécédentes, qui, s’il n’y avait qu’elles, feraient d’une situation de travail l’équivalent d’un protocole expérimental. Il faut ainsi distinguer profondément l’expérimentation et l’expérience, c’est à dire la rencontre ». (…) D’une certaine manière, l’ambition du gouvernement taylorien de travail était de faire des actes de travail l’équivalent d’un protocole expérimental où tout aurait été pensé par d’autres avant que les exécutants n’agissent» (p. 18).

Mais l’expérience est toujours « une rencontre de personnes, de situations singulières, de milieux particularisés par leur histoire commune, d’outils de travail : une rencontre de rencontres en somme. (…) Toute activité est un débat, une dramatique, en ce sens qu’il se passe quelque chose entre des normes antécédentes – ce qui est du côté du protocole – et tout ce qui concerne la rencontre de rencontres.» (p. 19).

En savoir plus : http://www.translaboration.fr/wakka.php?wiki=SchwartZ