La Borde « un refuge de désespérés énergiques »

« Il faut savoir que nous étions quelques uns à être arrivés à La Borde et à être des gens que la vie désespérait. C’est comme ça que nous nous étions retrouvés là. Ce n’était pas une rencontre d’intellectuels, d’universitaires, de savants, de philosophes, c’était un refuge de désespérés énergiques. Et un rassemblement de gens dont certains avaient une vitalité et une force créatrice extraordinaire, et qui, dans des conditions sociales habituelles, n’avaient de place nulle part. Nous vouloins réinventer la vie, maintenir le fait que ce soit vivant, ce n’était pas une discipline, mais une exigence. »

Agnès Bertomeu, MÉTAMORHOSES ou la « Grille des ateliers » à La Borde, Le sujet dans la cité, n° 4, p. 153.

Sur l’éducation populaire et la culture populaire : une critique radicale

La fin du texte signé Vivien sur le site  du LISRA :

http://recherche-action.fr/labo-social/2014/08/10/des-mesures-techniques-disolation-aux-strategies-politiques-du-contact-plaidoyer-pour-une-auto-graphie-sociale/

« Si toutes les initiatives qui ont prétendu restituer à un quelconque « Peuple » les outils et les clés de son autonomie n’ont finalement réussi qu’à s’user et à pourrir lentement ou bien à devenir des entreprises complètement opposées dans leurs actes à leurs principes initiaux, sans jamais toucher du doigt la substance réelle de la mission salvatrice dont elles s’étaient alors vaniteusement chargées, c’est que, dans cet acte même de « restitution », dans la prétention à offrir, à fournir, à administrer, elles transportaient d’emblée avec elles les relents d’un mépris masqué et l’indisposition formelle d’apprécier à sa juste valeur l’intelligence, pure et simple, de tous ces gens.
Des élans les plus sincères de l’Éducation populaire aux grossiers fétiches de la « Démocratie culturelle » éparpillés dans nos supermarchés et nos salles de classes, il n’y a guère qu’une docte ignorance qui s’est démocratisée, une disposition à déglutir sans jamais rien assimiler du contenu lourd et indigeste qu’on se voit servir sans interruption par une main maternaliste et providentielle.
La « culture populaire », concept-jouet d’un savoir édicté par des institutions dominantes et arme ultime d’une bourgeoisie facilement émue par les fables qu’elle se chuchote à elle-même, n’a jamais été la propriété de ceux qui en sont les détenteurs supposés. Cette culture de romans s’impose comme le prétexte et la justification d’une ascendance éternelle des faiseurs de rêve sur les esprits rêveurs. Et son substrat artificiel ne retombe jamais dans nos gueules asséchées que sous l’état d’une pluie de poussière insipide et informe, comme les restes d’un vieux fruit écrasé par une main trop puissante.

Nous ne sommes les propriétaires que de nos propres mots. Sans un langage qui soit le nôtre, nous sommes condamnés à être parlés par d’autres.

Ce qui nous touche…

« Ce qui nous touche » un très beau texte écrit à quatre mains par Isabelle Pariente-Butterlin et Valeto Garry sur le site d’Isabelle :

http://www.auxbordsdesmondes.fr/spip.php?article1946#forum5740

et aussi sur celui de Valeto Garry, Philosophical slug … ici à peine quelques traces :

« Ce qui nous touche J’ai connu un garçon ou peut-être était-ce une fille c’était quelqu’un quoi qu’il en soit je me souviens nos corps en miroir je me souviens les pas qui résonnent sur le bois des vacances je me souviens les mains qui se cherchent presque les mots qui s’écoutent je me souviens. (…)

J’ai connu quelqu’un quelle importance fille ou garçon qui cherchait l’âme au fond des corps.

Ce qui nous touche ? Repli. De moi repli, origami. Ce qui nous touche, approche, s’approche, ce qui nous touche ?, de moi origami, réponse négative, ce qui me touche me replie, je ne veux pas être dans la proximité, telle, je ne veux pas être : touché. (…)

Ce qui nous touche ? Attends. Laisse-moi un peu de temps pour revenir au monde. Laisse-moi revenir de la nuit intérieure, de l’hiver. Ce qui me touche me blesse….

 

 

 

 

Deux idées étrangement proches : l’individu et le paysage

« Aujourd’hui où l’échelle imposée devient mondiale, la vertu du paysage, face à cette ubiquité abstraite, est de relocaliser : non pas en repliant illusoirement dans un particularisme compensateur et pittoresque, mais en réinscrivant du Singulier. Si ce qui fait paysage est qu’il contient le tout du monde, mais sur un mode unique, ce local lui-même est global, en ne cessant de mettre en interaction et de faire communiquer. Et peu importe que le paysage soit fait alors de rues ou bien de vallons, de cités ou de forêts… »

François Jullien : Vivre de paysage ou l’impensé de la raison. Gallimard. 2014, p. 248

Je découvre ce passage alors que je viens d’écrire, en commentant Edgar Morin (2001) : « selon lui, l’humain se définit par trois notions complémentaires et inséparables, alors même qu’elles paraissent s’opposer : l’individu, la société et l’espèce humaine. Leur relation est « dialogique », en ce sens qu’elles se répondent : l’espèce est faite de tous les individus, mais, dans chaque individu, il y a tout ce qui fait l’espèce humaine…  » En ligne : http://www.translaboration.fr/wakka.php?wiki=TransformatioN

Je suis frappé de voir à quel point ces deux idées se répondent : « ce qui fait paysage est qu’il contient le tout du monde, mais sur un mode unique » ; ce qui fait un individu, un être humain, est qu’il contient tout ce qui fait l’humanité, mais sur un mode unique.

chercher un visage ami

« C’est comme quand vous êtes dans la foule et que vous cherchez un visage ami, pas n’importe qui, justement pas, un ami, un visage qui soit celui d’un ami, un visage dans le regard de qui il soit possible de plonger le regard, et de se tenir. Plonger son regard dans un texte, c’est comme plonger dans le regard d’un autre, non ? Et accéder à la dimension que nos corps ne disent pas. »
Extrait de : Vingt-trois minutes pour ne pas devenir fou (3)
Isabelle Pariente-Butterlin _  le 11 décembre 2013.

http://www.auxbordsdesmondes.fr/spip.php?article1759

Un texte dans lequel on plonge, et qui nous tient, nous aide à tenir ou à savoir à quoi l’on tient. Souvent les textes d’Isabelle… la profondeur de son regard, sur le monde… sont comme le visage d’un ami

Rencontre avec Isabelle P-B (2)

Hier 30 novembre à la médiathèque Emile Zola, rencontre avec quatre auteurs de « littérature numérique », dont Isabelle. Ils ont parlé de leur travail d’écriture avec ou sans ordinateur, de la publication papier ou numérique, de François Bon, de la revue « D’ici là ». Elles ont parlé (Louise Imagine et Isabelle Pariente-Butterlin) de leur oeuvre croisée : « La croisée des marelles ».

Peu de temps a été accordé au dialogue, aux échanges avec le public (claisemé) qui a écouté le témoignage des écrivains. J’ai pu dire quelques mots sur l’accès aux oeuvres numériques via Publie.net et aussi témoigné du plaisir  que m’apporte, comme lecteur, l’accès à l’atelier d’écriture de quelques auteurs, à travers leur blog ou leur site, en particulier celui d’Isabelle, « auxbordsdesmondes ». Belle rencontre, mais si peu de monde. Tout ce qui reste à faire pour faire connaître cette littérature contemporaine qui s’écrit et qu’on lit sur les écrans, et sur les expérimentations auxquelles elle se risque, comme cet enrichissement des textes par les images et le son.

(en savoir plus : http://www.auxbordsdesmondes.fr/spip.php?article1743)

un livre sur les traces laissées dans les marges

 

Beau livre, très touchant, dans lequel l’auteure part à la recherche de son père mort, à partir des annotations laissées dans les marges de ses livres.Dannielle Bassez ecrits dans les marges

En chargeant ainsi affectivement et affectueusement ces marques, Danielle Bassez en fait donc des traces, soit une forme matérielle (potentiellement) investie d’une mémoire, que son investigation propose de dévoiler.

C’est le passage de la trace au tracé :

“Le paléontologue, l’anthropologue, l’archéologue, l’historien qui conduit ses enquêtes en se fiant à un “paradigme indiciaire” [...] construisent une histoire de traces, de techniques cumulées, de gestes acquis, soutiennent ou contestent l’hypothèse d’un passage de la trace au tracé à l’origine de la figuration.”1

Posted on 2013/11/13 by Marc Jahjah

(la suite sur  http://marginalia.hypotheses.org/)

Rencontre « Expéditions » à Tarragona

L’âge de la tortue co-organise avec ses partenaires du projet Expéditions un séminaire international pluridisciplinaire à l’université Rovira i Virgili de Tarragone les 25 et 26 septembre. Les deux journées s’intéresseront aux questions de stratégie et de de collaborations interdisciplinaires entre artistes, chercheurs et sciences sociales et pédagogues.Le programme complet est à télécharger ici :

Pascal Nicolas-Le Strat y sera, sa contribution porte sur « Entre art et science de la rencontre ». Plus d’information sur son site : http://www.le-commun.fr/

Extraits d’un article d’Yves Schwartz

Yves Schwartz

Philosophe du travail, professeur émérite à l’Université d’Aix en Provence

« L’expérience est-elle formatrice ? » est le titre d’un article de la revue Éducation Permanente (n°158 mars 2004) dans lequel Yves Schwartz pose la question de l’articulation entre le savoir formel et celui que peut apporter l’expérience, notamment celle du travail. Ci-dessous quelques extraits de cet article :

« Toute situation de travail est toujours en partie (…) application d’un protocole et expérience ou rencontre de rencontres. (…) Dans nos environnements de travail, régulés par des normes techniques, économiques, gestionnaires, juridiques, toute situation de travail est toujours partiellement l’application de normes antécédentes, qui, s’il n’y avait qu’elles, feraient d’une situation de travail l’équivalent d’un protocole expérimental. Il faut ainsi distinguer profondément l’expérimentation et l’expérience, c’est à dire la rencontre ». (…) D’une certaine manière, l’ambition du gouvernement taylorien de travail était de faire des actes de travail l’équivalent d’un protocole expérimental où tout aurait été pensé par d’autres avant que les exécutants n’agissent» (p. 18).

Mais l’expérience est toujours « une rencontre de personnes, de situations singulières, de milieux particularisés par leur histoire commune, d’outils de travail : une rencontre de rencontres en somme. (…) Toute activité est un débat, une dramatique, en ce sens qu’il se passe quelque chose entre des normes antécédentes – ce qui est du côté du protocole – et tout ce qui concerne la rencontre de rencontres.» (p. 19).

En savoir plus : http://www.translaboration.fr/wakka.php?wiki=SchwartZ