Qu’est-ce que l’écosophie ?

Ci-dessous, quelques extraits d’un article de J-Ph. Cazier (Médiapart) à l’occasion de la parution des textes de Félix Guattari « Qu’est-ce que l’écosophie ? » (présentés par S. Nadaud) aux éditions Lignes IMEC en 2013,

Par Jean-Philippe Cazier (21 février 2014)

Le texte est en ligne : http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-philippe-cazier

« Selon Guattari, ce qui caractérise l’époque contemporaine est, d’une part, que les situations actuelles, autant écologiques que politiques, économiques, institutionnelles, psychiques, subjectives, technologiques, etc., sont connectées entre elles, chacune impliquant les autres et réagissant sur les autres ; d’autre part, que ces situations incluent des conditions, des effets et problèmes ayant des implications qui résonnent immédiatement à l’échelle de la planète. Le discours de Guattari est amené à croiser des domaines hétérogènes selon une transversalité rendue nécessaire par la nature justement transversale de notre réalité : on ne peut parler de la situation écologique sans parler en même temps de technologie, des subjectivités, du capitalisme, comme on ne peut se référer à la politique sans parler d’écologie, du psychisme, des animaux, des médias ou de l’art. Tous ces domaines sont bien sûr distincts mais s’articulent selon des modalités variables et évolutives : les discours et pratiques co-fonctionnent selon des relations « machiniques » qui à la fois maintiennent leur hétérogénéité et rendent nécessaire de penser leurs rapports, les points sur lesquels ils se recouvrent, les lignes par lesquels ils divergent, la complexité qui est ainsi produite, autant matérielle que psychique.

Ce que Félix Guattari nomme écosophie concerne donc l’analyse des relations entre l’écologie, le social, le politique et le mental, la mise au jour de ces relations, mais surtout les modalités par lesquelles il devient possible d’agir sur celles-ci en vue de sortir de « l’impasse planétaire ». S’il est nécessaire de repenser les « vieilles idéologies qui sectorisaient de façon abusive le social, le privé et le civil », s’il est nécessaire, pour la psychanalyse ou l’écologie, de comprendre en quoi le rapport à l’environnement ou les subjectivités sont liés au politique, aux technologies ou à l’histoire, ce n’est pas dans le seul but de connaître les processus et relations complexes dans lesquels nous existons – reconnaissance qui conduit à complexifier tous ces domaines et à sortir des modèles universalisants et éternisants –, mais c’est pour tenter de nous les réapproprier, de manière individuelle et collective, d’agir en vue de produire autre chose que ce qui nous conduit à un désastre général : désastre écologique et social, désastre politique, économique, technologique, désastre pour les subjectivités, pour les vies humaines et non humaines – désastre dans lequel nous sommes déjà.

On abordera donc le social, le politique, l’écologique, le mental, selon une logique des relations, de la multidimensionnalité, de la complexité (…)

L’écologie est importante, d’une part, dans la mesure où elle conduit à penser à l’échelle de la planète, qu’elle fait sortir la pensée et les pratiques de leurs territoires mentaux et physiques habituels ; d’autre part, parce qu’elle est l’occasion de repenser de manière complexe les rapports entre l’environnement, le politique, le social, la technique, le mental, les subjectivités, etc. L’intérêt de l’écologie est de permettre une mutation de la pensée, des pratiques et modes d’existence – autrement elle se condamne à n’être qu’un avatar d’une pensée réactionnaire, d’une politique appauvrissante et aliénante, participant à l’empêchement de toute mutation libératrice du social, du politique, des subjectivités.(…)

Ainsi, l’écosophie selon Guattari ne se présente pas comme une discipline scientifique constituée ou à constituer, elle est d’abord un effort vers une nouvelle façon de penser et d’agir, une nouvelle pratique de la pensée autant qu’une nouvelle pratique de la pratique. Cette mutation dans l’ordre de la pensée, de l’action et de l’existence, est nécessitée par ce qui caractérise l’époque contemporaine – la dimension plurielle et planétaire de la réalité humaine et non humaine – mais surtout par les catastrophes dans lesquelles nous sommes engagés et qui laissent entrevoir un futur fait de catastrophes plus destructrices encore : catastrophes écologiques, catastrophes politiques, économiques, sociales, catastrophes technologiques, médiatiques, psychiques. Cette mutation de la pensée, de la pratique et des subjectivités, est nécessitée par la forme actuelle du capitalisme qui ne peut plus être pensé et combattu avec les mêmes ressources qu’auparavant.

Certains des textes qui composent Qu’est-ce que l’écosophie ?, proposent les éléments d’une analyse du capitalisme actuel (« capitalisme mondial intégré »), le capitalisme post-industriel qui, loin de se limiter à la production de biens matériels, a investi tous les domaines, sur toute l’étendue de la planète. (…)

Le capitalisme actuel est compris par Guattari comme une immense machine à produire, une machine à l’échelle de la planète, qui non seulement intègre tout (le vivant, le savoir, le mental, les cultures, etc.), mais surtout produit tout – jusqu’à nos rêves. (…)

Ne pas comprendre que la revendication de mutations dans la production du savoir, des corps, des modes de vie, des subjectivités, de l’environnement, de l’information, est aussi importante, dans la résistance au capitalisme, que la remise  en cause du marché financier ou du système de production de biens, c’est se condamner à penser, à vivre, à agir en fonction du capitalisme (…).

Le capitalisme actuel ne détruit pas uniquement les biotopes au niveau mondial, il empêche et détruit également toutes les possibilités de vie, de pensée, de subjectivation, divergentes et créatrices d’autres finalités.  (…)

Guattari développe également une attention à ce qui en soi est porteur d’une divergence par rapport au monde capitaliste : attention aux discours et aux pratiques singuliers – pratiques politiques, institutionnelles, collectives ou individuelles, locales, discours philosophiques, scientifiques, médiatiques, délirants, etc. –, aux processus singuliers de subjectivation, aux pensées « déviantes » ou « folles » (comme cela est le cas dans L’Anti-Œdipe ou Mille plateaux). De même, une attention précise à l’art, aux pensées et pratiques artistiques, aux nouvelles formes de la production artistique, dans la mesure où « (…) la pratique artistique a à la fois un impact dans le domaine du sensible, dans le domaine des percepts et des affects, et en même temps une prise directe sur la production d’univers de valeurs, d’univers de référence et de foyers de subjectivation (…). Des façons de voir, de sentir, d’être affecté tout à fait mutantes ». (…).

Lorsqu’il décède en 1992, Félix Guattari laisse une œuvre considérable, des perspectives extrêmement riches, autant politiques que philosophiques. Son œuvre ne cesse de tendre vers une nouvelle façon de penser et d’agir : nouvelle façon de penser le capitalisme mais aussi la psychanalyse, l’inconscient, l’art, la littérature, l’action politique, les médias, la ville, l’environnement, la technologie, l’ontologie, le sujet, la névrose, le collectif, etc., et l’on retrouve dans Qu’est-ce que l’écosophie ? toute cette profusion enthousiasmante et féconde. Il est d’ailleurs frappant de constater à quel point les derniers textes de Guattari, écrits il y a plus de vingt ans, anticipent sur notre actualité et en permettent une analyse percutante, aussi bien en ce qui concerne le réseau internet que l’urbanisme, le discours politique, ou encore les crispations nationalistes, identitaires et fascisantes actuelles. »

 

 

penser la socialisation-personnalisation

Hugon, M., Vilatte, A. et Prêteur,Y. (2013). Philippe Malrieu : un modèle de la socialisation-personnalisation, in A. Baubion-Broye et al. Penser la socialisation en psychologie. Actualité de la pensée de Philippe Malrieu. Toulouse : Erès.

Quelques extraits :

L’œuvre de Malrieu (…) propose un modèle dialectique de la socialisation, articulant changement individuel et changements sociaux. Dans ce modèle, le sujet est considéré comme acteur de ses conduites par les significations qu’il leur accorde dans les différents milieux et temps de sa socialisation. La socialisation ne résulte donc plus d’une simple acculturation ou d’un assujettissement aux règles et normes des systèmes institutionnels mais également d’une construction subjective (personnalisation).(…)

« Au-delà des institutions où il est directement engagé : famille, école, travail, groupes de pairs, l’adolescent approfondit ses relations avec les institutions de la société globale : économie, État, culture. »

A l’instar de Wallon et de Meyerson, Malrieu souligne l’inscription des conduites humaines dans des systèmes sociaux et culturels au sein desquels autrui tient un rôle de médiateur (pairs, éducateurs, etc.).

Pour Malrieu, la socialisation recouvre un double versant : un processus d’acculturation, consistant en l’appropriation d’un monde de culture et ayant pour principale finalité d’orienter les conduites de l’individu (…) et des processus de personnalisation, processus au sein desquels le sujet repère les insuffisances ou contradictions de ces contraintes sociales pour les dépasser et se déprendre de ses propres assujettissements.

La personnalisation se définit donc comme une construction originale par laquelle le sujet tente d’objectiver et surmonter les conflits à l’origine d’un sentiment de division.

La définition d’un projet cohérent de vie apparaît comme nécessaire pour dépasser ces conflits et continuer à se construire. Ce projet ne peut s’établir que sur une reconnaissance des expériences antérieures vécues et à l’intersection de normes multiples (idéologiques, morales, religieuses, philosophiques) que la personne rencontre au sein des différentes institutions qui l’éduquent.

« C’est par l’analyse critique de ses expériences et des normes qui l’entourent que le sujet va créer, innover, se personnaliser en accédant ainsi au statut de personne ».

Les dimensions que Malrieu propose au chercheur de repérer à partir des œuvres autobiographiques correspondent aux relations que le sujet entretient avec son entourage (personnes auxquelles il s’identifie ou s’oppose), aux idéologies dominantes dans les institutions et dans ses différents groupes d’appartenance et à la façon dont le sujet construit ses représentations de soi, son identité, à partir des relations qu’il élabore entre ces différents systèmes.

La façon dont Malrieu conceptualise son modèle de la socialisation ((…) est plurielle car elle se réalise simultanément dans des milieux différents et ce tout au long de l’existence. (…) « Considérant que les relations interpersonnelles sont médiatrices de la construction du sujet, l’hypothèse est de ne pas éparer l’étude des fonctions et des processus psychiques de celle de leurs cadres sociaux, des institutions et des représentations collectives.

Voir aussi : des extraits d’un article de Malrieu sur le site :

http://www.translaboration.fr/wakka.php?wiki=MalrieU

la leçon de Barthes

Car ce qui peut être oppressif dans un enseignement, ce n’est pas finalement le savoir ou la culture qu’il véhicule, ce sont les formes discursives à travers lesquelles on les propose. Puisque cet enseignement a pour objet, comme j’ai essayé de le suggérer, le discours pris dans la fatalité de son pouvoir, la méthode ne peut réellement porter que sur les moyens propres à déjouer, à déprendre, ou tout au moins à alléger ce pouvoir. Et je me persuade de plus en plus, soit en écrivant, soit en enseignant que l’opération fondamentale de cette méthode de déprise c’est, si l’on écrit, la fragmentation et, si l’on expose, la digression, ou, pour le dire d’un mot précieusement ambigu : l’excursion.

Roland Barthes Leçon (texte de la leçon inaugurale au Collège de France), Seuil, 1978

B. Lahire : le dire sur le faire

 

LOGIQUES PRATIQUES Le « Faire » et Le « dire sur Le Faire » Bernard LAHIRE

Recherche et formation, n° 27 – 1998. Pages 15-28.

« Ainsi, à l’opposé d’une sociologie (souvent implicite) des « valeurs », des « représentations » et des « opinions » qui reste abstraite dans tous les moments de sa pratique (entretiens recueillant ce que les interviewés « pensent », les « opinions » ou les « représentations » de ceux-ci sur le sujet qui préoccupe le sociologue, théorie qui met en avant la « philosophie » des enquêtés, leurs propos généraux, explicites et ne portant sur aucune situation pratique particulière), une sociologie qui entend saisir les pratiques et les savoirs effectifs devrait porter son regard, à défaut parfois de pouvoir directement observer les pratiques (notamment dans l’univers familial), sur l’énonciation de situations, régulières ou exceptionnelles mais toujours particulières. Il s’agit de faire parler de situations pratiques plutôt que de demander de « livrer des représentations » en général. Cela suppose, bien entendu, une bonne connaissance préalable des situations possibles. Le problème ne réside donc pas dans le fait que nous ignorons ce que nous savons et ce que nous faisons, mais que nous ne disposons pas toujours des bons cadres (contextuels et langagiers) pour parler de ce que nous faisons et de ce que nous  savons. Lire la suite

L. Kaplan : Les mots

 

Leslie Kaplan

Les mots

© Leslie Kaplan & publie.net – tous droits réservés première mise en ligne sur publie.net

le 7 avril 2009

ce texte a été publié pour la première fois aux éditions Inventaire/Invention en 2007

 

ce que j’ai en commun, ce n’est pas la situation

sociale

politique

historique

psychologique

c’est la possibilité c’est que : en tant qu’être humain,

homme ou femme,

j’aurais pu

et ça, ce j’aurais pu, cette fiction

est contenu dans les mots

dans le langage

dans le fait que les mots essaient

de rendre compte du réel

au plus près

au plus singulier

et pour cela

par ce travail

ils essaient, les mots, de rendre compte

à la fois de ce qui est

et de ce qui est possible

du désir comme du cauchemar

la littérature ce n’est pas raconter sa vie

comme les émissions

soi-disant littéraires

de la télévision

voudraient le faire croire

la littérature c’est penser, essayer, avec des mots

c’est une recherche, concrète, vivante

avec des personnages,

qui sont des porte-questions,

avec des histoires, des récits,

avec des lieux

avec de l’espace, avec du temps

la littérature, c’est :

« quelque chose se passe, et alors, quoi ? »

c’est à l’intérieur du réel le plus réel

trouver, creuser, inventer, de l’ouvert

de l’écart

du décalage

du jeu

du possible

c’est entrer en contact avec le monde

si je vis telle situation, si je l’éprouve,

qu’est-ce que ça veut dire,

qu’est-ce que je peux en dire

 

Gilbert Simondon (1924- 1989)

D’après l’introduction de « L’individuation psychique et collective », paru en 1989 et réédité en 2007, avec une préface de Bernard Stiegler.

Simondon part du problème de l’ontogénèse (la constitution de l’être individuel). Il remarque que la plupart des théories philosophiques s’intéressent surtout à l’individu constitué. Il propose au contraire de considérer comme primordiale l’opération d’individuation.  Il écrit : « L’individu serait alors saisi comme une réalité relative, une certaine phase de l’être qui suppose comme elle une réalité préindividuelle, et qui, même après l’individuation, n’existe pas toute seule, car l’individuation n’épuise pas d’un seul coup les potentiels de la réalité préindividuelle, et d’autre part, ce que l’individuation fait apparaître n’est pas seulement l’individu, mais le couple individu-milieu. » (p. 12). Dans cette conception, le devenir est une dimension de l’être. L’individu est un être en devenir et un être en relation. Il n’est ni stable, ni isolable de son milieu.

« L’être concret, ou être complet, c’est à dire l’être préindividuel est un être qui est plus qu’une unité. » (p. 13).   »L’unité et l’identité ne s’appliquent qu’à une des phases de l’être, postérieure à l’opération d’individuation  (…) elles ne s’appliquent pas à l’ontogénèse entendue au sens plein du terme, c’est à dire au devenir de l’être en tant qu’être qui se dédouble et se déphase en s’individuant. » (p. 14).

« Le vivant conserve en lui une activité d’individuation permanente : il n’est pas seulement résultat d’individuation, comme le cristal ou la molécule, mais théâtre d’individuation. » (p. 16).

« Le vivant résout des problèmes, non pas seulement en s’adaptant, c’est à dire en modifiant sa relation au milieu (…), mais en se modifiant lui-même, en inventant des structures internes nouvelles… » (p. 17).

« Le psychisme est poursuite de l’individuation vitale chez un être qui, pour résoudre sa propre problématique, est obligé d’intervenir lui-même comme élément du problème par son action, comme sujet ; le sujet peut être conçu comme unité de l’être en tant que vivant individué et en tant qu’être qui se représente son action à travers le monde comme élément et dimension du monde.  » (p.19).

Mais le psychisme ne peut se résoudre au niveau de l’être individué seul : il est le fondement de la participation à une individuation plus vaste, celle du collectif. (…) Au collectif pris comme axiomatique résolvant la problématique psychique correspond la notion de transindividuel. » (p. 22).

« Nous entendons par transduction une opération physique, biologique, mentale, sociale, par laquelle une activité se propage de proche en proche à l’intérieur d’un domaine, en fondant cette propagation sur une structuration du domaine opérée de place en place.  »

« L’opération transductive est une individuation en progrès »

« La transduction est l’apparition corrélative de dimensions et de structures dans un être en tension préindividuelle ». (p. 25).

Extraits d’un article d’Yves Schwartz

Yves Schwartz

Philosophe du travail, professeur émérite à l’Université d’Aix en Provence

« L’expérience est-elle formatrice ? » est le titre d’un article de la revue Éducation Permanente (n°158 mars 2004) dans lequel Yves Schwartz pose la question de l’articulation entre le savoir formel et celui que peut apporter l’expérience, notamment celle du travail. Ci-dessous quelques extraits de cet article :

« Toute situation de travail est toujours en partie (…) application d’un protocole et expérience ou rencontre de rencontres. (…) Dans nos environnements de travail, régulés par des normes techniques, économiques, gestionnaires, juridiques, toute situation de travail est toujours partiellement l’application de normes antécédentes, qui, s’il n’y avait qu’elles, feraient d’une situation de travail l’équivalent d’un protocole expérimental. Il faut ainsi distinguer profondément l’expérimentation et l’expérience, c’est à dire la rencontre ». (…) D’une certaine manière, l’ambition du gouvernement taylorien de travail était de faire des actes de travail l’équivalent d’un protocole expérimental où tout aurait été pensé par d’autres avant que les exécutants n’agissent» (p. 18).

Mais l’expérience est toujours « une rencontre de personnes, de situations singulières, de milieux particularisés par leur histoire commune, d’outils de travail : une rencontre de rencontres en somme. (…) Toute activité est un débat, une dramatique, en ce sens qu’il se passe quelque chose entre des normes antécédentes – ce qui est du côté du protocole – et tout ce qui concerne la rencontre de rencontres.» (p. 19).

En savoir plus : http://www.translaboration.fr/wakka.php?wiki=SchwartZ

Roland Barthes (1915-1980)


Quelques extraits du texte de la leçon inaugurale au Collège de France
(Leçon, éditions du Seuil, 1978):

Le pouvoir (la libido dominandi) est là, tapi dans tout discours que l’on tient, fût-ce à partir d’un lieu hors pouvoir. (…)

C’est en effet de pouvoir qu’il s’agira ici, indirectement mais obstinément. L’ « innocence » moderne parle du pouvoir comme s’il était un : d’un côté ceux qui l’ont, de l’autre ceux qui ne l’ont pas ; nous avons cru que le pouvoir était un objet exemplairement politique ; nous croyons maintenant que c’est aussi un objet idéologique, qu’il se glisse là où on ne l’entend pas du premier coup, dans les institutions, les enseignements, mais en somme qu’il est toujours un. Et pourtant, si le pouvoir était pluriel, comme les démons ? (…) partout, de tous côtés, des chefs, des appareils massifs ou minuscules, des groupes d’oppression ou de pression ; partout des voix « autorisées », qui s’autorisent à faire entendre le discours de tout pouvoir, : le discours de l’arrogance. Nous devinons alors que le pouvoir est présent dans les mécanismes les plus fins de l’échange social. (…)

J’appelle discours de pouvoir tout discours qui engendre la faute, et partant la culpabilité, de celui qui le reçoit. (p. 10-11). Lire la suite

Mikhail Bakhtine (1895-1975)

Extraits de Todorov T. (1981) Mikhaïl Bakhtine, le principe dialogique… Seuil.

Les phrases entre guillemets sont des citations, celles en italiques sont attribuées à Bakhtine, les autres sont de Todorov (les N° de pages sont celles du livre de Todorov qui donne les références d’origine pour les citations de Bakhtine ou d’auteurs appartenant au « cercle de Bakhtine », comme V. Volochinov ou P. Medvedev).

Bakhtine (1895-1975) y est présenté comme l’un des plus grands théoriciens de la littérature, et plus généralement du texte, au sens large : tout discours, toute parole, tout énoncé humain, « comme produit de l’interaction entre la langue et le contexte d’énonciation – contexte qui appartient à l’histoire » (p.8).

« l’énoncé n’est pas individuel… le caractère le plus important de l’énoncé est son dialogisme, c’est à dire sa dimension intertextuelle… » (p.8).

« l’être humain (…) n’existe qu’en dialogue : au sein de l’être on trouve l’autre. » (p.9).

Lire la suite

Walter Benjamin (1892-1940)

Quelques citations extraites de « Sens unique » de W. Benjamin (1928, traduction française par Jean Lacoste, 1978, nouvelle édition 1988, Ed. Maurice Nadeau) :

« L’efficacité littéraire, pour être notable, ne peut naître que d’un échange rigoureux entre l’action et l’écriture ; elle doit développer, dans les tracts, les brochures, les articles de journaux et les affiches, les formes modestes qui correspondent mieux à son influence dans les communautés actives que le geste universel et prétentieux du livre. » (p. 139)

« Les œuvres achevées ont pour les grands hommes moins de poids que ces fragments sur lesquels leur travail dure toute la vie. » (p. 143).

« Tout indique que le livre sous cette forme traditionnelle approche de sa fin. » (p. 163).

« L’objectivité doit être toujours sacrifiée à l’esprit de parti si en vaut la peine la cause pour laquelle on se bat. » (p. 172).

Bensaïd : Walter Benjamin Sentinelle messianique à la gauche du possible (Plon, 1990)

Dans ce livre, Daniel Bensaïd propose une lecture de la pensée de Benjamin, qu’il résume en disant qu’il s’agit d’un messianisme politique, démocratique et libérateur. (lire la suite sur  le site translaboration : http://www.translaboration.fr/wakka.php?wiki=BenjamiN